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longue robe. Il tient de la main gauche une sphère armillaire et de la droite un compas ouvert ; mais sa belle tête aux longs cheveux se relève vers le ciel et son regard se perd dans une contemplation extatique. C’est à la fois un astronome et un penseur, ou plutôt c’est l’astronomie elle-même mesurant l’espace. Comme dans le Lion de Lucerne ou dans la statue de Pie VII, Thorvaldsen a pénétré le fond même de son sujet et en a rendu toute la poésie.

Ainsi, après avoir écarté dans le catalogue moderne du musée quelques marbres médiocres sur lesquels nous jetterons avec respect le voile de l’oubli, en déplorant les circonstances qu’a subies leur auteur, on peut s’arrêter devant un groupe d’excellens ouvrages, dont quatre ou cinq hors de pair, et en tirer la synthèse la plus instructive. Aller droit à l’essence du sujet, c’est-à-dire au caractère principal et dominant du personnage, pour le traduire avec précision et le résumer dans une physionomie et une attitude ; ne pas chercher la vie et l’effet ailleurs que dans cette simplicité de l’action et cette vérité d’un mouvement saisi à son point le plus juste, à une égale distance de la sécheresse et de l’emphase ; éviter en général les expressions et les gestes violens, parce que le calme et la sérénité en statuaire sont préférables à l’agitation ; grouper et balancer toutes les masses de manière non seulement à charmer les yeux par l’accord merveilleux du dessin, mais à donner le sens même de la composition dans l’aspect de ses reliefs et de ses contours ; enfin, par un sentiment analogue, supprimer le plus possible tous les détails et accessoires de costume ou d’attributs pour maintenir la tranquillité des lignes et fixer toute l’attention sur la figure elle-même : voilà à peu près le résumé de l’esthétique de Thorvaldsen.

Chez lui, un simple geste, une attitude, un air de tête, ont le pouvoir souverain de donner au marbre toute la vie possible et de montrer l’âme tout entière d’un personnage. Au reste, ce sont là les principes éternels, la grammaire pour ainsi dire de la sculpture classique. Mais ces règles fondamentales, analogues dans tous les arts, qu’il est difficile et rare de les appliquer avec génie !

N’oublions pas un point capital sur lequel Thorvaldsen donne aussi de grandes leçons, pour l’avoir profondément étudié, l’art du costume et de la draperie. Fidèle en tout à cet amour profond de la vérité et des convenances qui était sa première qualité, aucune exactitude dans le costume ne lui faisait peur, pas même l’habit du XIXe siècle. Mais il préférait la draperie, on le comprend, chaque fois qu’il pouvait l’employer, et, dans cette partie si importante de la statuaire, il n’a peut-être pas d’égal parmi les modernes. Les vêtemens de toutes ses figures, même des moins inspirées, sont