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plus considérables, l’archevêque de Bordeaux, désigné pour célébrer la messe solennelle du Saint-Esprit qui inaugurait la session, s’était refusé à accepter cet honneur avant d’avoir la permission écrite du curé de Saint-Séverin, c’est-à-dire de l’un des grands-vicaires désignés par le cardinal de Retz, l’usage voulant qu’un prélat ne pût officier solennellement en un diocèse qui n’était pas le sien sans l’autorisation de l’ordinaire. Ce refus, qu’approuvaient un grand nombre de députés, était une réponse à l’arrêt du conseil d’en-haut qui avait destitué Retz ; il donna lieu à de longs débats et à bien des pourparlers avec Mazarin, qui avait compté sur le bref pour mettre fin à toute opposition. Sans doute le pape avait accordé, sur les instances du gouvernement français, le bref dont il est ici parlé ; mais il l’avait fait d’assez mauvaise grâce, ne voulant pas en cette affaire condamner absolument la conduite de son prédécesseur, et il avait donné pour instructions à Bagni, son nonce à Paris, de ne se servir du bref qu’avec une extrême circonspection. D’ailleurs on l’avait averti de la protestation que l’assemblée du clergé français se proposait de rédiger contre son bref. Le nonce, ne voulant pas donner à Mazarin une arme dont celui-ci eût pu se servir exclusivement à son profit, prit soin après avoir reçu le bref de ne point le lui communiquer. La concession du saint-siège demeura ainsi sans effet et Mazarin en fut réduit dans son différend avec l’assemblée à passer par une transaction. Elle portait qu’il serait écrit au pape pour le prier d’enjoindre au cardinal de Retz de nommer, dans le diocèse de Paris, de nouveaux vicaires-généraux qui fussent acceptables au roi.

Pendant toutes ces lenteurs, le contrat des rentes de l’Hôtel de Ville ne se renouvelait pas, et l’assemblée déclarait n’y pouvoir procéder tant que les élections n’auraient pas eu lieu dans la province de Paris. Retz, alors à Rome, usait de tous ses efforts pour maintenir ses anciens choix ; il représentait au pape l’injure que les procédés du gouvernement français faisaient à un prince de l’église ; mais il avait à lutter avec forte partie, avec H. de Lionne, alors ambassadeur de France près du saint-siège. La cour de France s’était d’ailleurs ménagé des intelligences dans le sacré-collège. Retz était sans argent, réduit aux expédiens, empruntant de tous côtés pour soutenir sa dignité de cardinal, et la guerre incessante que lui faisait le gouvernement français diminuait chaque jour son crédit. Il voyait tous ses biens saisis en France et ne savait plus en vérité où donner de la tête, comme le constate ce qui est consigné dans ses Mémoires. Force lui fut donc de se rendre aux instances du pape. Il désigna pour grand-vicaire André du Saussay, official du diocèse de Paris, qui venait d’être nommé évêque de Toul et que le chapitre