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dans les principales églises de Paris, et leurs majestés étaient venues l’entendre le jour de la Toussaint à Saint-Germain-l’Auxerrois pour mieux dissimuler le coup qu’on méditait contre lui. La haute opinion qu’il avait de son importance persuada le coadjuteur que la couronne voulait s’accommoder avec lui, et, trompé par les informations inexactes de Mme de Lesdiguières, il s’était rendu le 19 décembre au Louvre. Au lieu de rencontrer des bras qui se tendaient vers lui, il trouva dans l’antichambre de la reine M. de Villequier, capitaine des gardes, qui l’arrêta et le fit conduke sous bonne escorte au château de Vincennes.


III.


L’arrestation du coadjuteur produisit naturellement une vive émotion. « Les instances du chapitre et des curés de Paris, écrit celui-ci, firent pour moi tout ce qui estoit en leur pouvoir, quoique mon oncle qui estoit le plus foible des hommes, et, de plus, jaloux jusqu’au ridicule, ne les appuyast que très molle nent. » La cour ne céda pas devant ces réclamations, mais elle fut obligée de faire connaître par la bouche du chanceher que l’arrestation du prélat n’avait eu lieu que pour son propre bien et afin de l’empêcher d’exécuter les desseins qu’on lui prêtait. Bientôt l’émotion se calma. La mort de l’archevêque Jean-François de Gondi vint aggraver la difficulté. Le siège archiépiscopal passait de droit au prisonnier. Le gouvernement se trouva dans un grand embarras. Il redoutait au plus haut degré l’avènement d’un tel pasteur dans un diocèse où celui-ci n’avait cessé de lui créer des ennemis. Un archevêque d’un caractère si turbulent, quoique placé sous les verrous, était un danger de tous les instans. Aussi le conseil du roi s’efforça-t-il d’obtenir du pape soit la suspension de l’autorité épiscopale du coadjuteur que son droit appelait à la succession du cardinal défunt, soit sa translation à un autre archevêché, soit une mise en demeure de démission, et en attendant il chercha à tenir caché au prisonnier le décès de son oncle. Mais Retz, qui s’était ménagé des intelligences au dehors, fut averti de la vacance, et il arrangea tout adroitement pour prendre possession de son siège par des procureurs. Il nomma des grands vicaires qui se mirent en mesure d’administrer le diocèse en son absence. La cour ne pouvait s’opposer à ce que le cardinal usât d’un droit qu’on n’eût contesté qu’au mépris des canons ; mais elle voulut arracher au nouvel archevêque sa démission. Elle lui promit, s’il consentait à se démettre, de lui donner en compensation de nombreuses et riches abbayes. Retz refusa obstinément, et comme Mazarin craignait son ascendant sur le clergé parisien demeuré en relations suivies avec le