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en conséquence qu’il y eût du danger à laisser l’assemblée l’implorer en faveur de Conti, et elle accorda l’audience pour le 18 janvier 1651. Ce fut George d’Aubusson qui porta la parole ; il renouvela à peu près et dans les mêmes termes les doléances qu’avait fait entendre la précédente assemblée, et commença son discours par une virulente sortie contre les progrès de l’hérésie, réprouvant la doctrine d’après laquelle on ne devait user envers les protestans que des voies de la douceur et de la persuasion, reprochant à mots couverts au gouvernement sa condescendance à leur égard. Il attaqua, comme l’avait fait l’archevêque de Narbonne, l’existence des chambres mi-parties, et la permission laissée dans certaines villes aux calvinistes d’exercer des charges de finances et de judicature, dont, selon lui, ils auraient dû être partout déclarés incapables. Il fit appel, pour l’extirpation de l’hérésie, au zèle et à la piété de la reine, qu’il appelait une image vivante de la Divinité. Ce sujet épuisé, il passa à la question de la mise en liberté de Conti ; mais alors son ton s’adoucit, et il donna à sa demande la forme d’une supplique. Sentant tout ce qu’il y avait de hardi dans sa démarche, il la motiva par le caractère ecclésiastique dont le prince était revêtu. C’était moins le membre de la famille royale que l’abbé de Cluny dont il sollicitait la liberté ; la détention sans jugement d’un membre de l’église étant une atteinte portée aux immunités de celle-ci qu’il s’attachait à défendre dans un autre paragraphe du discours où étaient attaqués deux arrêts, l’un du grand conseil, rendu contre l’évêque de Mirepoix, l’autre du parlement de Rouen, contre l’archevêque de cette ville touchant la question du concile provincial. « Sans vouloir pénétrer, disait George d’Aubusson à la reine, les mystères de vos conseils, nous serions déserteurs de notre ordre si nous n’intercédions auprès de votre majesté pour procurer à ce prince affligé le soulagement de ses souffrances. » La réponse d’Anne d’Autriche fut encourageante, et bientôt la nouvelle d’une prochaine délivrance des princes donna satisfaction à la démarche que l’assemblée avait hasardée. Mazarin jugea le moment favorable pour faire revenir la compagnie sur son refus de subside. Les commissaires du roi virent l’archevêque de Reims, plus disposé à être agréable à la cour que son collègue d’Embrun, et qui, pour ce motif, évitait, depuis le commencement de la session, de prendre la parole dans les occasions compromettantes. Ils dirent au prélat que la reine, qui avait tant fait pour l’église, ne pouvait se persuader que l’assemblée eût donné son dernier mot, qu’il était impossible que le clergé ne prît pas en considération les énormes dépenses dans lesquelles on allait être entraîné pour les frais du sacre du roi, et qu’il ne convenait pas à cet ordre de rendre impossible la consécration divine que devait recevoir le roi en entrant dans sa majorité. Le motif était ha-