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et l’autorité. La reine, Anne d’Autriche, était dévote comme une Espagnole et paraissait femme à s’en remettre en tout à la direction du clergé ; elle ne savait pas d’ailleurs refuser à ceux qui avaient pris sur elle un certain empire. Il n’y avait qu’à lui demander pour obtenir ; chacun du moins le répétait, et La Feuillade disait en plaisantant que c’était à ces quatre petits mots : la reine est si bonne, que se réduisait désormais la langue française. Le clergé devait donc penser qu’elle lui rendrait la domination dans toutes les matières où il la réclamait au nom de sa divine mission, et qu’il n’aurait plus adonner l’exemple de la servitude sous le titre d’obéissance que le cardinal de Retz, dans ses Mémoires, lui reproche d’avoir trop souvent prêchée. Le clergé ne se doutait pas que Mazarin, à l’attitude si modeste, entendait continuer la politique autoritaire de son prédécesseur, tout en recourant à d’autres moyens, en usant de la ruse là où Richelieu employait l’intimidation, en dupant ses ennemis là où celui-ci eût frappé les siens. Le clergé avait trop peu pratiqué l’adroit Sicilien pour s’être aperçu que ce ministre n’avait pas plus de piété que de dévoûment sincère à l’église, et que la confiance sans bornes que lui témoignait Anne d’Autriche était entretenue par un tout autre sentiment que le respect de la pourpre dont il était revêtu.


I.


Ainsi, au début de la régence de la mère de Louis XIV, l’ordre ecclésiastique était plein de l’espoir de reconquérir son indépendance, et quand se réunit à Paris, en 1645, son assemblée générale, presque tous les députés partageaient une semblable illusion. Ce qui se passa aux séances de cette compagnie l’eut bien vite dissipée. Les élus des provinces ecclésiastiques étaient arrivés dans la capitale avec la ferme intention de faire rendre à l’église de France la jouissance des droits dont Richelieu l’avait dépossédée. Un esprit de réaction contre les actes du grand ministre se manifestait chez une bonne partie de la nation, surtout chez la noblesse, que l’évêque de Luçon avait si peu ménagée. L’épiscopat presque tout entier était dans de tels sentimens, car l’affront fait à l’assemblée de Mantes avait singulièrement accru l’aversion du haut clergé pour Richelieu. La nouvelle assemblée s’empressa de faire une manifestation contre la mesure arbitraire prise quelques années auparavant et de témoigner de la sorte sa résolution de revenir sur ce que le despotisme du feu cardinal avait imposé au clergé français. Charles de Montchal avait été choisi une seconde fois pour représenter sa province. La compagnie le réélut à la présidence, lui restituant ainsi la dignité dont il s’était vu si brutalement dépouillé. Elle