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monarchie constitutionnelle, pendant son existence, sous sa double forme, s’était donné la généreuse mission d’effacer des désastres de 1815 ce qui pouvait être effacé, de relever la France, et, à l’heure où elle était vaincue, l’œuvre était assez avancée pour que l’influence française se fît sentir partout dans les affaires du monde. Par une fatalité singulière, c’est à la république aujourd’hui à recommencer cette œuvre de la monarchie constitutionnelle, et voilà pourquoi ces trente-quatre années qui sont derrière nous, qui ne sont plus que de l’histoire, gardent un si attachant intérêt et par les luttes qui passionnaient le pays, et par l’éclat des talens qui prenaient part à ces luttes, et par la politique qui avait réussi à refaire une France libre et respectée.

De toutes les questions qui occupaient alors l’Europe, que M. Victor du Bled résume dans son Histoire et que M. Louis Blanc retrouve lui-même parfois dans ses Lettres, les unes ont disparu à peu près complètement, les autres se sont transformées et ont passé déjà par bien des crises, par bien des métamorphoses. L’Europe presque entière a changé de face. Des puissances nouvelles se sont formées, les vieux états se sont rajeunis. Tout s’est modifié dans les existences nationales, dans les rapports des peuples, et, chose à remarquer, ceux qui ont le moins souffert dans les tempêtes des trente dernières années, ce sont des pays comme l’Angleterre, comme la Belgique, comme la Hollande, qui par tradition ou par une jeune sagesse avaient et ont su garder les avantages de la monarchie constitutionnelle.

L’Angleterre, quant à elle, reste pour sûr ce qu’elle était, ce qu’elle est toujours au milieu de la mobilité des événemens. Elle peut avoir des changemens de ministère ; elle peut, selon les circonstances, prendre un rôle plus ou moins actif, plus ou moins direct dans les affaires du monde. Elle ne cesse de garder dans ses institutions libres le ressort qui maintient sa puissance et dont les hommes habiles comme lord Beaconsfield savent se servir quelquefois pour assurer à l’orgueil national quelque satisfaction flatteuse. L’Angleterre a beau avoir ses obstructionnistes irlandais, ses crises industrielles ou ses difficultés lointaines, elle poursuit sans trouble son vaste et multiple travail. Elle vient de voir se clore ces jours derniers une session parlementaire pendant laquelle elle a eu à s’occuper de la fin de la guerre qu’elle avait entreprise dans l’Afghanistan, de la guerre contre les Zoulous, des affaires de l’Egypte, de l’exécution du traité de Berlin, de la pacification de l’Orient, Ces questions sont revenues plus d’une fois pendant la session ; elles ont visiblement cessé d’être une préoccupation sérieuse, et le discours de la reine donnant congé au parlement est lui-même d’un ton placide et modeste. Il ne parle que de paix, de relations cordiales avec toutes les puissances, des réformes qu’on obtiendra dans l’empire ottoman, de l’enquête sur les intérêts agricoles. C’est un discours calmant. Le moment du repos est venu en Angleterre comme partout, il ne reste qu’un