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et les plus indépendans, sévèrement triés sur le volet. » Ce ministre qui aurait beaucoup à faire et qui suffirait à tout, ce ministre qui serait un philanthrope fervent et un très habile administrateur, M. Hellenbach le connaît, les yeux ardens de son imagination l’ont vu, il pourrait nous donner son signalement.

Cependant il ne se fait pas d’illusions, il craint que les gouvernemens ne se fassent tirer l’oreille pour agréer sa proposition, et il s’adresse en attendant au bon vouloir des célibataires, il leur représente que le sort de la société est dans leurs mains. Il les adjure d’instituer un nouvel ordre de Joannites, de chevaliers de Rhodes, de chevaliers de Malte, dont chaque membre s’engagerait à laisser une portion considérable de sa fortune à l’humanité souffrante ; et pour les encourager, il leur accorde dès à présent le droit de porter sur leur poitrine une croix bleue, Fourier ayant décidé que le bleu est la couleur de l’amour, de même que le rouge est la couleur de l’ambition. Nous ne savons si son appel sera entendu. Dieu nous garde de médire des célibataires ! mais la plupart ont refusé de se marier parce qu’ils tenaient beaucoup à rester libres, et nous en connaissons plus d’un que l’avantage de porter une croix bleue sur la poitrine déterminerait difficilement à aliéner sa liberté par des engagemens d’outre-tombe. Les hommes qui aiment à la fois le célibat et les vœux se font prêtres ou moines. D’autres, mieux disposés, objecteront que les particuliers sont plus compétens que les gouvernemens en matière de philanthropie, et que la charité de l’état manque d’onction. D’autres encore se défieront peut-être de ce ministre de la bienfaisance qui tôt ou tard encaissera leurs legs ; ils demanderont à le voir, à examiner de près ses yeux et surtout ses mains. M. Hellenbach ne fera pas difficulté de leur montrer cet oiseau bleu ; il l’a dans sa manche, comme la lune.

Le monde ira mieux quand les célibataires feront leur devoir ou qu’on les obligera de le faire ; il ira tout à fait bien quand la terre appartiendra à ceux qui sont le plus propres à en tirer un bon parti, car alors elle produira tout ce qu’elle peut produire. Quoiqu’il estime que l’inviolabilité de la propriété est un vain préjugé aussi bien que le mariage, M. Hellenbach réprouve le communisme. Il ne demande point comme M. Marx que les expropriateurs soient expropriés, ni comme M. Linel qu’il n’y ait pas d’autre propriétaire foncier que l’état[1]. Il désire seulement que la terre soit mise en circulation, afin que chacun ait son tour. Il y avait à Athènes une loi en vertu de laquelle un citoyen qui se plaignait d’être plus imposé que tel autre qu’il jugeait plus riche que lui, avait le droit de lui offrir l’échange de leurs fortunes. Les deux parties présentaient sous la foi du serment leur inventaire ; si elles ne

  1. Der moderne Staat und die Ziele des alten Glaubens, von Dr Linel, 1879.