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milieu d’une esplanade déserte, près d’un noir et triste canal, un monument du plus singulier aspect. C’est un bâtiment de forme rectangulaire et allongée, avec un toit presque plat, une corniche saillante ornée de denticules, de petits médaillons en terre cuite sur la frise, des pilastres aux quatre angles, en un mot tous les dehors d’un édifice grec. L’architecte s’est cru obligé sans doute de loger dans ce style un disciple de la Grèce. Les parois sont peintes en noir et les grandes divisions architecturales distinguées par une teinte rouge. Les fenêtres des deux étages sont carrées, celles du rez-de-chaussée très élevées au-dessus du sol, pour donner un éclairage spécial à l’intérieur. Au-dessus de ces fenêtres se déroule, sur trois côtés de l’édifice, une série de peintures représentant l’arrivée triomphale de Thorvaldsen à Copenhague en 1838. Les personnages et les divers sujets de ces peintures se détachent vivement en jaune, en rouge ou en blanc, mais d’un seul ton, sur le fond noir des murailles, à la manière des peintures étrusques ou égyptiennes. Enfin la façade, formée par l’un des petits côtés, est percée de cinq grandes portes de style dorique, et surmontée au centre d’une Victoire conduisant un quadrige en bronze, d’après une esquisse de Thorvaldsen. Au premier coup d’œil, ces murailles noires, percées de petites fenêtres et bariolées de jaune et de rouge, ne semblent pas d’un goût irréprochable. On se rappelle certains monumens bizarres de Munich, pastiches d’architecture grecque élevés par la ferveur hellénique du roi louis Ier, et l’on se demande malgré soi si les divinités du sanctuaire n’auront rien du pédantisme de leur demeure. Ce n’est qu’après avoir visité l’intérieur du monument, après en avoir compris et apprécié la destination, et peut-être aussi sous l’heureuse impression du musée, qu’on se réconcilie avec l’architecte danois Bindesböll.

L’intérieur en effet est admirablement approprié à son objet. Sur la façade, une grande salle ou vestibule, aussi élevée que le bâtiment et éclairée par les cinq portes, renferme les compositions colossales du maître, statues équestres et autres. Derrière ce vestibule, sur les quatre côtés d’une cour, s’étend un large corridor qui donne accès à vingt-deux chambres ou cabinets, communiquant de l’un à l’autre, dont la série se développe tout autour de l’édifice. Chacune de ces chambres contient une ou plusieurs statues, éclairées comme dans un atelier, et quantité de bas-reliefs fixés sur les parois. Ces chambres sont peintes en rouge et sobrement décorées dans le goût pompéien. La plus vaste, à l’extrémité opposée au vestibule d’entrée, est remplie par les plâtres du Christ et des Douze Apôtres qui ornent l’église Notre-Dame. Même distribution à peu près au premier étage, dont les corridors et les cabinets contiennent quelques plâtres qui n’ont pu trouver place au rez-de-chaussée,