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LE
MUSÉE THORVALDSEN
ET
L’EGLISE NOTRE-DAME DE COPENHAGUE

I.
L’ŒUVRE ANTIQUE DE THORVALDSEN.

C’est un fait singulier et vraiment unique dans l’histoire de l’art moderne, que la renommée de Thorvaldsen, si universelle et si éclatante durant sa vie, si durable encore et si populaire non-seulement dans les pays scandinaves, mais en Allemagne, en Angleterre et en Italie, n’ait jamais pu se répandre et s’acclimater en France. Il n’y a guère de capitale en Europe où l’on ne rencontre quelques chefs-d’œuvre du célèbre Danois, originaux, copies ou moulages : à Paris on ne trouve de lui qu’un buste et une statuette que personne ne connaît. A qui faut-il s’en prendre de cette indifférence? Aux amateurs et aux gouvernemens français qui n’ont pas su jadis attirer l’auteur du Lion de Lucerne et du Triomphe d’Alexandre, ou bien à l’artiste lui-même, qui n’a point cherché de travaux dans notre pays, qui n’y est pas même venu une fois, ne tenant pas compte de cette consécration que Paris, à tort ou à raison, donne depuis longtemps à toutes les célébrités? Ne lui a-t-on pas peut-être d’autant moins pardonné cette insouciance qu’il était plus acclamé et plus fêté chez nos voisins d’outre-Rhin? Quoi qu’il en soit, il y a parmi nous, à l’endroit du grand statuaire, une ignorance ou un malentendu qui font peser sur sa mémoire une sorte d’ostracisme, à ce point que les plâtres de ses meilleurs ouvrages, achetés en 1849 par M. Charles Blanc, alors directeur des beaux-arts, pour le compte de l’état, n’ont jamais été exposés, ni au