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florissante; comment se fait-il qu’il semble déjà se rattacher par son orientation bizarre aux divers plans que va nous offrir le moyen âge? M. Jordan, qui a donné en 1874, sous ce titre: Forma urbis Romœ, l’étude la plus approfondie que nous possédions à ce sujet, est d’avis, comme Canina et Becker, qu’il avait le sud en haut, le nord en bas, le levant à gauche et l’occident à droite. Il se terminait à son sommet par la porte Capène, voisine de la porte actuelle de Saint-Sébastien, qui conduit à la voie Appienne, et dans sa partie inférieure par l’entrée de la ville vers la via Lata. Pourquoi une telle déviation de la règle suivie, à ce qu’il semble, jusque-là, par exemple dans la table de Peutinger? Quels rapports entre cette déformation et celle qu’offrent aussi les cartes de Rome du moyen âge? Ce sont autant de questions non encore résolues.

Il est difficile de croire que des plans n’aient pas été dressés, soit quand Aurélien, en 275, a construit ses murs sur la ligne d’octroi qu’un siècle plus tôt Marc-Aurèle et Commode avaient inaugurée par des cippes munis d’inscriptions, soit lors de l’importante réparation de ces murs par Honorius, en 403, quand le géomètre Ammon les mesura à nouveau, soit enfin lors de la rédaction de ces itinéraires ou descriptions de Rome de la fin du IVe et du commencement du Ve siècle où se trouvent des catalogues de monumens pour chacune des quatorze régions, listes fort insuffisantes et souvent défectueuses, mais qui nous permettent seules d’avoir une idée de ce qu’était Rome à la fin de l’empire. La période carlovingienne n’a pas été stérile, puisque le pape Zacharie ornait en 741 de ce que nous appellerions une mappemonde le triclinium du Lateran, comme Agrippa jadis avait fait au portique de Polla, et qu’Adrien Ier reconstruisait les murs de Rome, instituait un nouveau recensement, et faisait une autre répartition du patrimoine ecclésiastique. La description de la ville qui nous est restée de cette époque dans le célèbre manuscrit du couvent d’Einsiedeln reproduit très probablement cette réorganisation de la ville.

Nous arrivons ainsi à l’époque des Mirabilia urbis Romœ, vers le XIIIe siècle. Comment les pèlerins, venus de toutes les parties du monde avec ce petit guide en main, n’auraient-ils pas réclamé le secours de plans topographiques? Ceux qu’on trouve annexés aux manuscrits de certaines autres œuvres du moyen âge trahissent tout au moins l’influence exercée par les bizarres légendes que ces descriptions de Rome avaient mises en circulation, et qui firent une trop brillante fortune, au risque d’effacer beaucoup de notions positives et de brouiller ce qui restait d’authentiques souvenirs. — Il n’y a, pour s’en convaincre, qu’à jeter un coup d’œil sur les plans que M. de Rossi vient de publier. Le plus ancien qu’il ait rencontré,