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était entourée de peuples qui connaissaient fort bien l’usage des cartes géographiques ou des plans figurés. L’Assyrie et l’Egypte en avaient possédé de très bonne heure, et il nous en est resté quelques exemples. Les Étrusques, les Samnites, les colonies grecques de l’Italie méridionale pratiquaient la même coutume. Les prêtres de Delphes, dont tant de peuples reconnaissaient l’autorité, exposaient de tels documens sur les murs de leur temple. Hérodote a raconté l’histoire d’Aristagoras de Milet, qui, pour engager le roi de Sparte Cléomène dans la guerre contre les Perses, lui faisait calculer, à l’aide d’une carte gravée sur cuivre, quelles distances précisément il y aurait à franchir : cela se passait vers le temps de l’expulsion des rois de Rome. Les célèbres tables d’Héraclée, conservées au Musée de Naples, mentionnent des plans relatifs aux biens du temple de Bacchus vers le milieu du Ve siècle avant l’ère chrétienne. Or, les recherches modernes démontrant toujours davantage que la Rome primitive n’est pas restée étrangère aux civilisations voisines, on comprendrait difficilement qu’elle se fût passée d’un moyen scientifique déjà connu, et répondant si bien à son génie.

Une première période de l’histoire monumentale de Rome se termine par l’invasion gauloise et l’incendie de la ville en 390 avant Jésus-Christ. Rome fut aussitôt reconstruite, mais tumultuairement, dit Tite-Live, c’est-à-dire que, dans le malheur des temps, on réédifia sans trop rechercher ou sans bien reconnaître les limites, qui auraient dû être imprescriptibles, de la propriété publique ou privée. Ce fut le point de départ d’une nouvelle forma urbis. Pour cette seconde période, les textes nous apprennent que des plans sur toile, mappae linteae, étaient déposés à l’archive des censeurs, dans l’atrium du temple de la Liberté. Il est même parlé de copies sur cuivre destinées aux propriétaires de biens-fonds. Rien ne prouve absolument qu’il y en ait eu pour représenter Rome entière; mais il semblerait étonnant qu’il n’en eût pas été pour l’ensemble comme pour les diverses parties.

On connaît l’immense travail d’arpentage et de recensement que César, puis Auguste, avec l’aide d’Agrippa, firent exécuter dans tout l’empire. Pline l’ancien a puisé dans les informations qu’a procurées cette grande enquête les nombreuses données de topographie mises en œuvre dans son encyclopédie. Un autre résultat direct en a été la carte du monde romain peinte au portique de Polla, sœur d’Agrippa. Quelle qu’ait été la forme primitive de cet orbis pictus, sphérique ou allongée en forme de frise, il paraît certain qu’il est devenu le prototype de nombreuses cartes itinéraires et d’enseignement qui ont circulé dans l’empire, particulièrement de celui d’entre ces utiles monumens qui nous est seul parvenu, de la célèbre carte