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été de soixante pieds romains. — À plus forte raison le niveau du sol a-t-il dû s’élever dans les vallées qui séparent les célèbres collines, les incendies, les tremblemens de terre, les inondations accumulant les débris, et chaque génération bâtissant par-dessus les ouvrages demi-écroulés des générations précédentes. C’est ainsi que, dans le Transtévère, il faut, pour visiter la station bien connue des Vigiles, descendre par un escalier qui a bien une trentaine de marches. Le Panthéon occupe le fond de la place où il est situé, et cette place s’élève tout autour par un sol évidemment factice. On sait que la basilique de Saint-Clément recouvre une plus ancienne basilique, laquelle est au-dessus d’une maison des commencemens du IIIe siècle, construite elle-même sur un très vaste édifice des temps républicains, tout à fait inconnu. Il en est de même aux thermes de Constantin, que les fouilles pour l’ouverture de la rue Nationale ont mis à jour. Ils recouvrent les restes de la maison des Avidii Quieti et des Claudii Claudiani, laquelle est édifiée sur quelques chambres datant des premiers Antonins et sur une plus ancienne construction en opera quadrata.

La première pensée serait d’accuser encore de ces désordres les longs siècles du moyen âge ; il y a cependant des témoignages qui mettent en cause un autre temps. La porte Saint-Laurent, par exemple, qui est de l’époque d’Honorius et de l’année 403, conserve à peu près son ancien niveau, tandis que l’arc monumental des eaux Marcia, Tepula et Julia, construit par Auguste cinq ans avant l’ère chrétienne, et sur lequel Honorius appuya sa porte, se trouve de nos jours tellement enterré que les hautes voitures chargées de foin ne peuvent le franchir ; on a constaté de plus, en creusant à l’issue, que la voie publique avait été là rehaussée jusqu’à trois fois ; et l’inscription placée par Honorius témoigne qu’il a fallu, pour construire cette porte, opérer de grands déblais, egestis immensis ruderibus. On a quelque peine à comprendre comment une si grande modification du sol a pu s’accomplir pendant la période impériale, quand l’administration romaine était si attentive, et quand les constructions devaient être si durables. — Si le phénomène a commencé, au moins en quelques lieux, dès le début de l’empire, il a duré d’autre part jusqu’au temps de la renaissance. À partir du XVe siècle, quand de tous côtés la ville nouvelle a grandi, on a constamment profité des parties abandonnées et désertes pour y faire porter les décombres tirés des lieux qu’on rebâtissait. Le forum, après avoir servi de carrière et de four à chaux pendant le moyen âge, a été dès le commencement du XVIe siècle un vaste immondezzaio. Tout autour de la colonne de Phocas, on a trouvé, en déblayant la base, des débris accumulés depuis le XIIe jusqu’au