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que fera le nouveau khédive dans les conditions où le laisse le firman qui modifie et limite jusqu’à un certain point son pouvoir. La France et l’Angleterre l’aideront assurément à réaliser la seule chose qu’elles désirent, qui garantisse leurs intérêts, une administration régulière et honnête. Elles sont d’accord pour cela. S’il y a eu quelques nuages entre ces deux puissances, ces nuages semblent maintenant dissipés : M. Waddington l’a dit, et le chancelier de l’échiquier, sir Stafford Northcote, dans les explications qu’il vient de donner ces jours derniers devant la chambre des communes. C’est ce qu’il peut y avoir de plus heureux pour les intérêts des deux pays, pour la bonne administration de l’Égypte et pour la sûreté de l’Orient tout entier.

Qu’il s’agisse d’ailleurs de l’Égypte ou des frontières de la Grèce, ou de la Roumélie, ou de la Roumanie, c’est désormais l’affaire de l’Europe tout entière. C’est aux puissances signataires du traité de Berlin de surveiller, de suivre d’un commun accord les conséquences de l’œuvre qu’elles ont accomplie. On ne songe probablement à rien de plus, et pour cette année les entrevues personnelles des souverains ne semblent pas avoir l’importance qu’elles ont eue dans d’autres temps. Autrefois sans doute les entrevues de Gastein, de Stuttgart, de Salzbourg, d’Ischl, étaient presque toujours des événemens, elles préludaient par des rapprochemens intimes à des combinaisons particulières. Aujourd’hui le vieil empereur d’Allemagne et l’empereur d’Autriche viennent de se rencontrer encore une fois à Gastein : ils n’ont songé selon toute apparence qu’à se donner un témoignage de cordialité, et il est douteux que cette entrevue nouvelle ait une place dans les fastes de la diplomatie. Le moment des grandes rencontres de souverains est passé, il n’est pas revenu, et, en attendant, la seule grave affaire de l’Europe, l’exécution du traité de Berlin, reste remise à l’action régulière des chancelleries.

Si les entrevues des rois ont parfois leur rôle dans la diplomatie, les deuils des princes ont aussi leur place dans la politique, surtout lorsqu’ils prennent, comme au delà des Pyrénées, un caractère particulièrement saisissant. Il n’y a que peu de jours, les cortès étaient encore réunies à Madrid. La politique de l’Espagne était l’objet des discussions les plus sérieuses et les plus vives. À ces débats pleins d’éloquence prenaient part les orateurs les plus éminens, M. Canovas del Castillo, M. Emilio Castelar, M. Martos, M. Romero Robledo, les ministres eux-mêmes. On parlait plus ou moins discrètement à Madrid de l’éventualité, considérée comme prochaine, d’un second mariage du roi avec une archiduchesse d’Autriche. Quelques jours s’écoulaient à peine, Alphonse XII était encore une fois frappé à l’improviste dans ses affections par la mort foudroyante d’une de ses jeunes et brillantes sœurs. L’infante Maria del Pilar a été enlevée en quelques heures dans les provinces basques où elle était allée prendre les eaux. Le roi n’a