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dans les provinces de race tout à fait germanique ; les provinces belges avaient d’autres mœurs, d’autres visées. « Si Guillaume, écrit Motley, avait vécu vingt ans de plus, il est possible que les sept provinces fussent devenues les dix-sept provinces, et que le titre de propriété espagnole eût été déchiré pour jamais tant dans l’Allemagne du nord que dans la Gaule belgique. » Qui peut le savoir ? Assurément Guillaume avait fait beaucoup et avec de petits moyens. Il était arrivé à la victoire à force de défaites. Avec des troupes médiocres, des mercenaires toujours prêts à la révolte, sans autre lieutenant capable que son frère Louis, il avait déjoué les efforts de la première puissance militaire de l’époque et de généraux tels que le duc d’Albe, don Juan d’Autriche, Alexandre Farnèse. Quand il tomba sous les coups de Balthazar Gérard, deux provinces seulement reconnaissaient encore l’autorité de Philippe II, l’Artois et le Hainaut ; toutes les autres étaient en pleine révolte. Ses descendans durent se contenter de tenir et de resserrer le faisceau des provinces hollandaises.

Motley publia en 1860 deux nouveaux volumes où il racontait les événemens qui suivirent la mort de Guillaume. Il s’arrêta dans ce nouvel ouvrage à l’année de la fameuse Armada. L’Histoire des États-Unis néerlandais devait comprendre quatre volumes : les deux derniers parurent en 1868, à Londres et à New-York, en même temps. Le dernier ouvrage historique de Motley, qui fait suite au précédent, est la Vie et la mort de Jean de Barneveld, avocat de Hollande, avec une étude sur les causes et les premiers mouvemens de la guerre de trente ans. Ainsi les ouvrages de Motley forment une série non interrompue ; il raconte la naissance, la formation, si on peut se servir de ce mot, de la nation hollandaise et l’histoire de la maison d’Orange-Nassau. La lutte entre Barneveld et Maurice de Nassau, lutte à la fois religieuse et politique, pouvait difficilement trouver un meilleur historien qu’un habitant de la Nouvelle-Angleterre : « Dans les maisons des bourgeois, dans les chaumières des paysans, dans les arrière-boutiques, sur les bateaux de pêche, les canaux, les vaisseaux des Indes, dans les comptoirs, les fermes, les auberges, à la bourse, au jeu de paume, sur le mail, dans les banquets, aux enterremens, aux baptêmes, aux mariages, partout où se rencontraient des créatures humaines, on trouvait la terrible querelle des remontrans et des contre-remontrans, le sifflement de la rhétorique théologique, les textes théologiques qu’on se jetait à la tête. Le forgeron laissait refroidir le fer sur l’enclume, le rétameur inclinait un pot à demi accommodé, le courtier oubliait de terminer un marché, le pêcheur en sabots de Scheveningen oubliait son filet. Chacun s’arrêtait pour causer avec un ami. ou un ennemi sur le destin, le libre arbitre, la prescience