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de leur action, dit avec toute apparence de vérité M. Desjardins, n’a pas dû dépasser, dans la Gaule continentale, la Meuse, le Rhône, et peut-être la ligne de hauteur du plateau central. »

Il est également bien entendu qu’il ne peut plus être question de rapporter au culte druidique les monumens dits mégalithiques si nombreux à l’ouest de notre pays, mais qu’on retrouve en bien d’autres pays, en Afrique, par exemple, où le druidisme n’a jamais pénétré. Ces muets témoins d’un âge disparu se rattachent à un ordre d’idées religieuses antérieur au druidisme. Il se pourrait seulement qu’en vertu de cette loi de l’histoire des religions qui fait que les objets traditionnels de la vénération populaire demeurent, sous d’autres noms et sanctifiés par d’autres rites, en possession d’un caractère religieux, les menhirs, les dolmens, les cromlechs n’eussent pas cessé d’attirer les fidèles et leurs prêtres pour la célébration des cérémonies du culte. Mais ce n’est là qu’une conjecture plausible, uniquement fondée sur des analogies qu’aucun texte formel ne confirme. Au contraire tous les renseignemens que les anciens auteurs nous transmettent sur le druidisme nous indiquent le fond des forêts sombres, les dômes de verdure, les grandes chênaies mystérieuses, comme les vrais sanctuaires de ce culte dont l’idée de la vie, de ses merveilles, de son indestructibilité constituait le principe essentiel[1].

Il est très possible et même très probable que les formes du druidisme, en tant qu’association fortement organisée, disciplinée, aspirant au pouvoir politique et judiciaire, soient relativement modernes. Mais le fond du druidisme nous parait fort ancien. Cette notion d’une plante divine, dont le suc produit la vie et le bonheur, remonte jusqu’aux plus hautes antiquités de notre race. Le druidisme a pu naître dans quelque canton et y végéter longtemps avant de rayonner sur les régions voisines. C’est en ce sens que nous maintenons la haute antiquité de cette religion, qui n’en reste pas moins un des plus curieux phénomènes de l’histoire.

Nous nous écartons déjà sur ce point des vues émises par M. Desjardins, mais en voici un autre où nous différens tout à fait. M. Desjardins, d’accord avec M. Deloche, son savant confrère, pense que le druidisme est originaire de l’île de Bretagne et s’appuie pour défendre cette opinion sur un texte en effet très clair de César,

  1. M. d’Arbois de Jubainville et M. Desjardins ne veulent pas que le nom des druides signifie les hommes du chêne. Pourquoi donc, puisque les idiomes celtiques, en particulier le gaulois, désignent le chêne par un mot qui appuie visiblement cette dérivation ? Diodore les appelle des sarônides ; mais le mot sarônis lui-même veut dire un vieux chêne. Comment désigner mieux ces fils de la forêt qui enseignaient et sacrifiaient toujours à l’ombre des rouvres sacrés, se paraient de leurs feuilles et cueillaient le gui sur leurs rameaux avec tant de cérémonies ?