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partout. Du moins on a trouvé en 1817 à Entremont, à quelques kilomètres au nord d’Aix, un monument des plus curieux, le plus ancien spécimen de sculpture indigène que nous possédions, car il est antérieur à la conquête romaine, et, bien que découvert à peu de distance d’Aix, il est sans aucun rapport avec la fameuse bataille livrée sur son territoire. Qu’on se figure trois pierres carrées placées l’une sur l’autre. Sur trois faces, on remarque des sculptures grossières, en partie avariées par l’effet du temps, mais pas assez pour qu’on ne puisse reconnaître le sujet et admirer la vigueur d’expression de l’artiste inconnu qui les a ciselées en relief. Sur les deux faces latérales on voit une série de têtes coupées avec cette hideuse expression que l’on constate sur les figures conservées des guillotinés d’aujourd’hui. Ce sont de grosses têtes rondes, aux traits vulgaires, grimaçantes, les yeux clos, excepté une qui les a démesurément ouverts. Sur la face du milieu on distingue des cavaliers la lance en arrêt, qu’à leurs longues épées, à leurs tuniques fendues, à leurs casques bizarrement ornés, on reconnaît pour des Gaulois. On sait que longtemps la coutume gauloise fut de couper la tête des ennemis tombés sur le champ de bataille et de s’en servir comme de trophées. Ce monument, unique en son genre, rappellerait donc une victoire des Gaulois venus du nord sur des Ligures de Provence. Il a peut-être été retouché à une époque plus récente, mais l’événement qu’il rappelle doit probablement remonter au VIIe ou au VIe siècle avant notre ère.

Les Phéniciens ou les Carthaginois ont eu aussi des établissemens sur nos côtes méridionales antérieurement à la fondation de Marseille. Ce sont les Grecs qui ont fait honneur à leur Hercule des settlements du Melkarth punique ; mais Hercule n’était pas une divinité phocéenne, et les noms d’Heraclea (Saint-Gilles), de la Via Heraclea, d’Heraclea Caccabaria, c’est-à-dire d’Héraclée la Carthaginoise, probablement située sur la baie de Cavalaire, de Port-Vendres ou Portus Veneris, d’Hercule Monœcus ou d’Hercule solitaire (Monaco), de Ruscino (Castel Roussillon), etc., sont autant de souvenirs des établissemens phéniciens. Une remarquable inscription carthaginoise, déterrée à Marseille en 1845, prouve que la ville grecque possédait un comptoir et peut-être un quartier punique. Sur l’Océan, le seul port carthaginois que l’on puisse déterminer avec une certitude suffisante est celui de Corbilo, que des recherches récentes permettent de fixer à Saint-Nazaire ou tout près de là. Toutefois, ni la Phénicie, ni Carthage ne peuvent compter réellement parmi les élémens ethniques de notre nationalité. Le Phénicien ne peuplait pas les pays qu’il exploitait, et quand il se trouvait assez riche, il revenait dans la mère patrie.

Les Grecs, représentés par les Phocéens, jetèrent dans notre