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connus. C’est un statuaire grec, du nom de Zénodore, qui l’avait érigé pour le prix de 400,000 sesterces ou 80,000 francs du poids de notre monnaie. Or on a trouvé dans les ruines une inscription votive dédiée aux divinités augustes et au dieu Mercure Dumias. D’après César, Mercure, c’est-à-dire la divinité gauloise qu’il identifie avec le fils de Maïa, était l’objet du culte le plus généralement répandu en Gaule, et la seule difficulté est de savoir au juste le nom celtique de ce dieu indigène. Mais l’épithète de Dumias est évidemment topique. Ce mot pouvait exprimer soit l’idée d’embrasement, en souvenir des sinistres holocaustes jadis consumés pour apaiser les dieux de la Gaule, soit l’idée de puissance. En tout cas il en résulte que le puy ou pic de Dôme porte ce nom depuis une haute antiquité[1].

Les Romains apprirent aussi à connaître le mont Lozère, Lesura ou Lesora, la « montagne herbeuse, » et en apprécièrent beaucoup les fromages. Mais à l’intérieur de la Gaule nous retrouvons à peu près partout la même indifférence pour les hauts sommets. Les autres chaînes, excepté les Vosges et les Pyrénées, sont sans nom. Les anciens parlent de la forêt, non de la chaîne des Ardennes.

Les Pyrénées naturellement commandèrent plus fortement leur attention. Ces montagnes avaient déjà l’aspect dénudé qui nous frappe aujourd’hui, et il n’en fallut pas davantage pour engendrer la légende d’un incendie allumé par des bergers qui aurait dévoré les forêts d’un bout à l’autre. Cela n’expliquait-il pas leur nom par le rapprochement avec le mot grec pyr, feu ? Mais outre qu’il est infiniment peu probable que le grec ait fourni aux Celtibères le nom de leurs montagnes, il semble que l’eau eut bien plus de part que le feu au déboisement de ces pentes ardues. Le buis et les eaux thermales des Pyrénées sont vantés par Pline. Leurs neiges et leurs lacs glacés ont été chantés par Lucain. Le passage le plus fréquenté depuis la plus haute antiquité fut celui qui faisait partie de la route de Barcelone à Narbonne, passant par Girone et le col de Pertus, Un autre donnait accès à la route de Saragosse (Cæsar-Augusta) à Oléron ; un troisième permettait d’aller de Pampelune à Dax par le Summum Pyrenœum (Roncevaux) et l’Imum Pyrenœum (Saint-Jean-Pied-de-Port). Les Romains changèrent ces sentiers de chèvres en belles routes. Mais il y avait indubitablement d’autres passages encore, entre autres celui du val d’Arran par où passèrent des bandes chassées d’Espagne qui fondèrent le « Lyon des Réunis, » Lugdunum convenarum, dont on ne soupçonnerait jamais le nom antique sous l’appellation moderne de Saint-Bertrand de Comminges.

  1. Les paysans l’appellent le Puy de Doume, ce qui confirmerait cette étymologie.