Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/871

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sont dessinées toutes les routes militaires de cet empire, avec l’indication des étapes ou des stations, la distance qui les sépare et des signes divers marquant les localités importantes. Mais cette carte n’est nullement dressée sur le plan des nôtres. Les routes et le pays adjacent sont tracés au-dessous l’un de l’autre, sans souci du territoire intermédiaire, de telle sorte, par exemple, qu’une route suivant le cours de la Loire peut être tirée parallèlement au Rhin ou à la Seine. Il faut tout un travail de redressement pour constituer avec de telles données une carte routière conforme à nos habitudes modernes, qui exigent en tout premier lieu une figure proportionnelle des pays et de leurs contours. Mais ce redressement peut s’opérer, le grand savoir technique de M. Desjardins lui a permis de le faire, et l’on comprend aisément combien la géographie de l’empire romain, celle en particulier de la Gaule impériale, a gagné en clarté et en précision, grâce aux indications de cette carte officielle. On croit qu’elle fut composée à Constantinople sous Théodose et d’après des travaux plus anciens encore. Découverte l’an 1500 à Spire, elle devint la propriété de l’archéologue Peutinger (de là son nom actuel), et fut imprimée assez maladroitement à Venise en 1590. Puis on la perdit de vue, on croyait l’original perdu ; mais en 1714 on le retrouva à Vienne, quelque peu entamé par les rats, intact toutefois dans ses parties essentielles. Il paraît qu’il avait été vendu par un libraire au prince Eugène, qui en avait fait don à la Bibliothèque impériale, sans trop savoir probablement la valeur de son cadeau. Depuis, cette carte fut plus d’une fois reproduite ; mais aucune édition ne saurait entrer en comparaison avec celle que M. Desjardins a publiée avec commentaires dans le cours des dernières années et aux frais du gouvernement français.

Mettant à profit pour l’étude spéciale de la géographie gauloise cette source précieuse de renseignemens authentiques, M. Desjardins a étudié, le plus souvent sur les lieux mêmes, les questions relatives à la constitution du sol gaulois à l’époque de la conquête. Ses recherches se sont étendues à l’état ethnique de ce pays habité par des races différentes plus ou moins fondues ensemble, à leur situation politique, aux divisions administratives introduites par la puissance conquérante, et même aux grands faits historiques tels que le passage d’Hannibal à travers la Gaule méridionale et les Alpes, la campagne de Marius contre les Cimbres, enfin la conquête elle-même de César, dont le résumé termine le second volume paru. Un troisième volume continuera cette description méthodique en réunissant les données recueillies par l’érudition moderne sur les divinités topiques ou locales de l’ancienne Gaule, lesquelles lui semblent, nous le croyons avec raison, avoir été plus réellement