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un séminaire allemand, ou plutôt à un faisceau de plusieurs séminaires ; car chaque conférence en est un. On y trouve un séminaire de philologie, un séminaire d’histoire, un séminaire de philosophie, un séminaire de critique littéraire, et ils ont l’avantage d’être juxtaposés et reliés ensemble, de sorte que nul esprit ne peut s’enfermer dans une étude exclusive. La conférence se réunit dans une très petite salle ; quelques jeunes gens sont assis autour d’un maître. Le maître fait quelquefois une leçon ; il est d’ailleurs entendu que, si sa leçon avait quelque chose d’oratoire ou s’il se contentait de généralités vagues, les élèves ne l’écouteraient pas. Le plus souvent, c’est l’élève lui-même qui parle. Il a étudié un sujet indiqué d’avance et il apporte le résultat de ses recherches personnelles. Tantôt il lit, tantôt il improvise ; car, s’il est nécessaire qu’il sache écrire et condenser ses pensées, il est nécessaire aussi qu’il s’habitue à posséder assez complètement un sujet pour pouvoir en parler d’abondance et savoir gouverner sa parole. Quand il a fini, les autres élèves argumentent et discutent. Enfin, le professeur approuve ou blâme la méthode suivie, rectifie ou ajoute, conclut la discussion. C’est exactement ce qui se passe dans les séminaires allemands. Je lis à la page 84 du rapport sur l’université de Bonn la description de ce que le rapporteur a vu et entendu dans deux conférences ; j’y reconnais trait pour trait ce qui se faisait à l’École normale il y a vingt-cinq ans, et ce qui s’y fait encore aujourd’hui. Changez seulement les noms ; au lieu de Ritter et de Schœfer, mettez Gaston Boissier, Thurot ou Lavisse, et le rapporteur aura décrit sans y penser les conférences d’une école française au lieu de celles d’un séminaire allemand.

Il est vrai qu’à l’École normale les élèves n’entrent que par concours ; elle n’existe donc que pour une élite scrupuleusement choisie. Elle est une réunion de séminaires ; mais chacun de ces séminaires ne contient et ne doit contenir, pour que le niveau intellectuel y reste très élevé, que cinq ou six élèves. Elle est ainsi, par le nombre, manifestement insuffisante. Aussi la France a-t-elle d’autres écoles qui tendent à un but analogue. Ce que l’École normale est pour la philologie, pour les sciences historiques et la littérature, l’École des chartes l’est pour l’étude du moyen âge. Tout le monde sait que, sous ce nom modeste, nous avons une grande et féconde école d’érudition. Là, les professeurs ne se contentent pas de faire des cours ; ils mettent les élèves en présence des documens ; ils leur enseignent à les lire et surtout à les comprendre ; ils leur donnent le goût de la science et l’habitude des recherches précises. L’Allemagne n’a pas de meilleur séminaire. — Plus récemment, en 1868, M. Duruy a fondé l’École pratique des hautes études, qui renferme, à côté de laboratoires de chimie et de physique, des