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Haye se trouvait entre des adversaires ardens et des alliés assez tièdes, prêts à se diviser. Il ne tardait pas à se sentir dans une position précaire à l’occasion de deux projets importans, l’un motivé par une nécessité financière et proposant un impôt sur certaines valeurs mobilières, l’autre proposant tout un ensemble de travaux publics, un vaste système de canalisation intérieure. Pour le projet d’impôt, la seconde chambre prononçait un ajournement de mauvais augure ; pour le système de canalisation, elle rejetait le premier article, et le gouvernement n’avait rien de mieux à faire que de retirer le projet tout entier. C’était le commencement de la dislocation. Le ministre des travaux publics, plus particulièrement atteint, parlait de se retirer, et, comme lui, le chef du cabinet, le ministre de l’intérieur, M. Kappeyne, offrait bientôt sa démission. En réalité, il y avait dans le conseil une minorité qui croyait à l’opportunité de la retraite, et une majorité qui ne voyait pas dans le vote du parlement sur les canaux un motif de changement ministériel. Sur ces entrefaites, le mois dernier, survenait le renouvellement partiel de la seconde chambre, et le résultat des élections n’éclaircissait pas sensiblement cette situation confuse ; il ne modifiait pas les rapports des partis. Le cabinet se retrouvait le lendemain dans la même position, en présence des mêmes embarras ; il n’était ni plus faible, ni plus fort ; il restait dans cette condition bizarre d’un ministère partagé sur la nécessité de sa propre existence, et qui ne demeurait debout que parce que le roi refusait d’accepter sa démission. Interrogé dans la première chambre par M. van Twist, le cabinet ne déguisait ni la crise par laquelle il venait de passer, ni la difficulté d’exercer le gouvernement dans la situation parlementaire telle qu’elle apparaissait à la suite du vote de la seconde chambre sur la loi des canaux. Jusque-là, il faut le dire, tous ces incidens ressemblaient à un imbroglio sans caractère sérieusement politique, lorsqu’il y a peu de jours on apprenait tout à coup à La Haye qu’une question bien autrement sérieuse s’agitait dans les conseils du gouvernement.

Le ministère hollandais mûrissait-il depuis quelque temps des projets dont il n’avait pas encore parlé ? A-t-il voulu au dernier moment frapper un grand coup, remédier par une réforme inattendue à une situation parlementaire devenue difficile ? Ce qui est certain, ce qui n’est plus maintenant un secret, c’est que tout récemment le cabinet de La Haye a adressé au roi un rapport par lequel il propose d’appeler le parlement à délibérer sur une mesuré de l’ordre le plus grave, Sur une révision de la constitution. Il ne s’agirait de rien moins que d’augmenter le nombre des membres des deux assemblées, de faire élire la seconde chambre pour cinq ans dans des circonscriptions fixes, d’assurer une part à la capacité dans l’électorat, de modifier dans un sens libéral les conditions d’éligibilité des membres de la première chambre. Le rapport ministériel prévoit l’éventualité d’une dissolution du parlement