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couvrant le roi, gardait personnellement sa popularité, son ministère succombait bientôt pour avoir laissé s’affaiblir tous les ressorts du gouvernement, et de même que M. Cairoli avait succédé à M. Depretis, M. Depretis à son tour succédait à M. Cairoli. Il n’y a que quelques mois que le nouveau cabinet Depretis s’est formé ; il vient maintenant d’être renversé par un vote de la chambre, par une coalition de diverses fractions de la gauche alliées pour la circonstance à la droite, et M. Cairoli, qui a été un des chefs de la coalition, est encore une fois appelé à recueillir l’héritage de M. Depretis. Il a formé son nouveau cabinet avec des hommes jusqu’ici peu connus, M. Villa, M. Grimaldi, M. Naré, M. Baccarini. C’est au total le cinquième ministère depuis trois ans !

Comment s’est produite cette nouvelle crise italienne ? quelle en a été la cause déterminante et immédiate ? C’est toujours cette affaire de la suppression de l’impôt sur la mouture, qui est un des articles du programme de la gauche et qui n’est vraiment pas d’une solution facile, qui, par une complication de plus, est devenue l’occasion d’un conflit organisé, persistant, entre la chambre des députés et le sénat. Parlementairement la question est celle-ci : la chambre des députés a voté l’an dernier une loi qui se résume en trois points essentiels : suppression de l’impôt sur le maïs à dater du 1er juillet 1879, réduction d’un quart sur la taxe du blé à partir du 1er juillet 1880, abolition totale et définitive de la taxe en 1883. C’est sur cette loi, acceptée et défendue par M. Depretis, que le sénat de Rome a été récemment appelé à délibérer. Il a voté la suppression immédiate de la taxe sur le maïs, il a repoussé tout le reste, et en agissant ainsi, quoi qu’on puisse en dire, il était dans son droit constitutionnel autant que dans la raison politique. C’est un argument trop commode, en Italie et dans tous les pays où il y a des sénats, de contester sans cesse les droits de ces assemblées faites pour représenter les idées de conservation et de prévoyance, de prétendre les réduire à la condition subalterne et effacée de simples chambres d’enregistrement. On cherche des précédens, ils sont dans la nature des choses, dans l’essence même du régime constitutionnel, qui ne peut pas créer deux chambres pour que l’une soit subordonnée à l’autre, pour que celle qui est censée réunir le plus d’expérience et de savoir ne puisse avoir une opinion indépendante sans être accusée de provoquer des conflits. C’est vrai partout, en France comme au delà des Alpes, à Versailles comme à Rome.

Ici le sénat italien était doublement fondé. Cet impôt sur la mouture, qui est certainement fort dur pour des populations pauvres, mais qui n’a pas été imaginé par plaisir, qui a été créé pour faire face à de suprêmes nécessités financières, cet impôt produit plus de 80 millions ; il est la condition de l’équilibre du budget. Qu’on en prévoie, qu’on en désire, qu’on en prépare l’abolition, rien de plus juste. Pouvait-on cependant dès ce moment, dans un intérêt de popularité, pour faire