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George Cadoudal y était nommé comme agent entre lui et les chouans. On parlait en même temps de M. d’André, qui, disait-on, avait pénétré en France secrètement, après avoir, déjà une fois avant le 18 fructidor, essayé de servir l’agence royale. Sur ces entrefaites, on assembla le corps législatif. Le compte qui lui fut rendu de l’état de la république était remarquable et fut remarqué. L’état de paix avec toutes les puissances, le conclusum donné à Ratisbonne sur le nouveau partage de l’Allemagne et reconnu par tous les souverains, la constitution acceptée par les Suisses, le concordat, l’instruction publique dirigée, la formation de l’Institut[1], la justice mieux dispensée, l’amélioration des finances, le code civil, dont une partie fut soumise à cette assemblée, les différens travaux commencés en même temps sur nos frontières et en France, les projets pour Anvers, le Mont-Cenis, les bords du Rhin et le canal de l’Ourcq, l’acquisition de l’île d’Elbe, Saint-Domingue qui tenait encore, des projets de loi nombreux sur les contributions indirectes, sur la formation des chambres de commerce, sur l’exercice de la médecine et sur les manufactures, tout cela offrait un tableau satisfaisant et honorable pour le gouvernement. A la fin de ce rapport, on avait pourtant glissé quelques mots sur la possibilité d’une rupture avec l’Angleterre et sur la nécessité de fortifier l’armée. Ni le corps législatif, ni le tribunat ne s’opposèrent à rien, et des approbations, après tout méritées à cette époque, furent données à tant de travaux si heureusement commencés.

Les premiers jours de mars, des plaintes assez amères parurent dans nos journaux sur la publication de quelques libelles qui avaient cours en Angleterre contre Bonaparte. Il n’y avait pas beaucoup de bonne foi à s’irriter contre ce qui échappe aux presses anglaises, qui ont toute liberté ; mais ce n’était qu’un prétexte ; l’occupation de Malte et notre intervention dans le gouvernement de la Suisse étaient les véritables occasions de rupture. Le 8 mars 1803, une lettre du roi d’Angleterre au parlement annonça des discussions importantes entre les deux gouvernemens et se plaignit de l’armement qui se préparait dans les ports de la Hollande. Dans ce même temps, nous fûmes témoins de cette scène où Bonaparte feignit, ou se laissa emporter devant tous les ambassadeurs à une colère violente. Peu de temps après, il quitta Paris et s’établit à Saint-Cloud.

Les affaires publiques ne le captivaient pas tellement qu’il ne pensât à la même époque à faire écrire par l’un de ses préfets du

  1. Il serait plus exact de dire que le premier consul réorganisa l’Institut en supprimant la classe des sciences morales et politiques, le 23 janvier 1803. Cette classe ne fut rétablie qu’après 1830. (P. R.)