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en faveur d’un tracé sans écluses et sans tunnel, Que quarante membres n’ont pas répondu à l’appel de leurs noms ? C’est probable, car pour beaucoup d’entre eux, et pour les Américains sans exception, un canal sans écluses, — même par l’isthme de Panama, — est radicalement impossible. Serait-ce par modestie ? Nous voudrions le croire, mais c’est une vertu rare.

Ce n’est pas à M. le commandant Selfridge qu’on pourra jamais reprocher d’ignorer son sujet. Aussi est-ce lui que la commission technique a voulu entendre le premier. Nous avons déjà donné le résumé des travaux que ce travailleur infatigable, aidé de quelques-uns de ses compatriotes et particulièrement de M. Collins, a accomplis dans le Darien. Il faut maintenant mentionner les raisons qui ont fait rejeter les deux tracés que M. Selfridge a proposés. La quantité de pluie qui tombe au Darien, dans les régions désolées où coulent le Napipi et l’Atrato, est plus grande qu’à Panama et qu’au Nicaragua. La saison sèche n’y est que nominale ; des averses torrentielles y tombent en toute saison. En fait de matériaux utiles, on ne trouve que du bois ; la population, misérable, peut à peine se suffire à elle-même. S’il est vrai que l’Atrato offre une voie facile de transport jusqu’au confluent du Napipi, il est certain aussi que le canal dans la vallée du Napipi traverserait des régions montagneuses et, qui pis est, marécageuses : les travaux seraient par conséquent considérables ainsi que les transports. Ajoutons à ces graves inconvéniens un tunnel de 5,633 mètres de long, quatorze écluses du côté de l’Atlantique, dix du côté du Pacifique et un déboursé d’au moins 500 millions de francs, d’après M. Selfridge, mais que les cinq commissions du congrès ont porté à un milliard, intérêts compris ! Il est à peine utile d’ajouter qu’à Paris, en 1879, les projets de M. le commandant Selfridge ont été repoussés à une grande majorité, comme ils l’avaient été unanimement en 1875, à New-York, par ses compatriotes. M. Menocal, après avoir déposé sur le bureau du président un projet par le Tehuantepec, projet qu’il n’a pas cru devoir expliquer en raison de son infériorité, a passé d’emblée à l’exposé de deux autres tracés par le Nicaragua. De ces deux tracés, il en est un dont les études sont très achevées, mais, comme nous l’avons déjà résumé en parlant des travaux de la commission américaine, il est superflu d’y revenir. Du reste, le projet de M. Menocal, malgré le bas chiffre des frais d’exécution, — 260 millions de francs, — a été repoussé ; il ne pouvait se faire sans écluses, et M. de Lesseps n’en veut pas, et avec lui tous les membres du congrès, dont l’incompétence en matière de canaux était flagrante.

Abordons les tracés français. Le premier qui ait été discuté est