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l’Angleterre la malheureuse expédition de 1780, système qui devait rendre cette nation, si elle eût réussi, maîtresse du plus beau pays du monde, d’une terre d’une fécondité sans pareille, ayant un développement de côtes de plus de 1,500 lieues sur une superficie de 30,000 lieues carrées, avec des ports et des bassins comme ceux de Santo Tomas, le lac d’Izabal, San Juan del Norte, Bocca del Toro sur l’Atlantique, les golfes Dulce, de Nicoya, les bains de Salinas et de Fonseca sur le Pacifique. En 1786, elle avait même obtenu de la lassitude ou de la faiblesse des rois d’Espagne la concession du territoire de Belize dans le Yucatan oriental, pour y continuer, disait-elle, des exploitations de bois d’acajou. Cette concession lui avait été faite à une condition expresse, celle d’abandonner le territoire de la Mosquitie. Belize devint en peu de temps très prospère, mais les Anglais n’abandonnèrent pas leur ancienne possession ; ils l’abandonnèrent si peu que c’est en vertu du protectorat qu’ils y exerçaient qu’ils s’emparent de Greytown ou Saint-Jean-de-Nicaragua.

Les États-Unis d’Amérique proclamaient déjà bien haut à cette époque la doctrine de leur président Monroë ; dès qu’ils surent que les Anglais occupaient une ville de l’isthme américain, ils y envoyèrent un de leurs ambassadeurs, M. Squier, avec mission d’offrir une assistance armée aux populations envahies. L’offre était-elle sincère ? Il est permis d’en douter quand on sait que, six ans plus tard, en 1854, une corvette de guerre américaine, la Cyane, bombarda Greytown, et que des hordes de bandits échappées des États-Unis ravagèrent et saccagèrent pendant deux ans ces malheureuses contrées, qui ont été sauvées de l’invasion, il faut le proclamer à leur gloire, par le seul héroïsme de leurs propres habitans.

La rivalité qui régnait alors, plus ardente qu’aujourd’hui, entre les États-Unis et la Grande-Bretagne fut le salut des états de l’Amérique centrale. Elle détermina la signature du traité Clayton-Bulwer, dont il nous faut citer les principales clauses ; il est bon que cette mémorable convention soit connue, quoique ne s’appliquant qu’à la république de Nicaragua, afin de tranquilliser les esprits qui croient encore que le passage interocéanique, s’il est effectué par des Européens, peut tomber un jour aux mains d’une seule puissance. « Les États-Unis d’Amérique et la Grande-Bretagne, y est-il dit dès le début, désirant fixer par un traité leurs vues et intentions à l’égard de certains projets de communication, au moyen d’un canal maritime, qui pourrait être construit entre les océans Atlantique et Pacifique, par la voie de la rivière Saint-Jean-de-Nicaragua, et de l’un ou des deux lacs de Nicaragua et de Managua, aboutissant à un port ou à tout autre endroit sur l’Océan-Pacifique, déclarent que l’un ni l’autre ne prétendra jamais obtenir ou