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Il est assez difficile de se rendre un compte exact de la destination primitive du monument, aujourd’hui presque méconnaissable. La porte dorée seule est debout au milieu des ruines ; le soleil du midi l’a recouverte d’une teinte tellement ardente que le pinceau ne pourrait la rendre avec fidélité sans être accusé de parti pris d’exagération. Est-ce la couleur blonde de cette maçonnerie ensoleillée ou les riches marchandises que l’on faisait passer par cette porte pour les amener dans les magasins de la ville qui ont fait donner à cette arcade le nom de porte d’or, porta aurea ? Il est difficile de l’admettre ; encore moins faut-il croire avec quelques antiquaires par trop naïfs que de grands clous à tête dorée reliaient les stucs peints qui décoraient la porte et dessinaient, sur les piliers, les bandeaux et la voûte, des dessins étincelans. Cette fameuse porte d’or n’était en réalité que l’ouverture principale d’un élégant portique qui donnait accès sur le quai. C’est là qu’il faut placer l’ancien rivage de l’étang, ce que dans notre vieux français on désignait, il y a à peine trois siècles, sous le nom de l’Orée, dont l’étymologie ora, bord, plage, est tout à fait transparente. La porte d’Orée, porta orœ, n’était donc ainsi nommée que parce qu’elle s’ouvrait sur la berge même de la lagune qui constituait le port de Fréjus, et cette désignation sainement interprétée est d’autant plus intéressante qu’elle nous donne une nouvelle et précise indication de l’ancien état des lieux.

Une des questions que l’on se pose toujours à la vue des ruines d’une ville antique, c’est la détermination de sa population. Presque tous les archéologues locaux mettent une sorte d’amour-propre à proposer des chiffres fort élevés. Deux élémens permettent cependant de-renfermer celui de Fréjus dans des limites assez justes : le périmètre de l’enceinte et les dimensions de l’amphithéâtre.

On sait que les représentations du cirque étaient, dans le monde romain, un plaisir gratuit et public offert presque quotidiennement à tous. Une relation constante devait donc nécessairement exister sous l’empire entre les dimensions des monumens destinés aux amusemens du peuple et le chiffre de la population. On a souvent proposé de fixer approximativement ce rapport à la moitié du nombre des habitans, et cette proportion a permis de déterminer avec une exactitude très suffisante la population des principales villes de la Narbonnaise, Narbonne, Nîmes, Arles.

Les ruines de l’amphithéâtre de Fréjus sont assez bien conservées pour qu’on puisse reconstituer exactement toutes les dimensions de l’édifice. L’ellipse extérieure du monument mesure 113 mètres suivant le grand axe et 85 suivant le petit. L’arène, qui avait aussi une forme elliptique, avait 67m,71 de longueur sur 39m,6 de