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III

Notre intention n’est pas de faire ici une description détaillée des monumens de Fréjus. Cette étude demanderait un livre spécial ; elle a été d’ailleurs plusieurs fois faite avec conscience et talent, et nous ne pouvons mieux faire que de renvoyer le lecteur aux intéressantes monographies qui ont été publiées sur ce sujet depuis près d’un siècle. Il y trouvera la description minutieuse, les dessins exacts et la restauration intelligente de tous les monumens de la ville antique, — citadelle et jetée du port, magasins de l’arsenal, tours du phare et des signaux, murailles et portes de l’enceinte, marché, thermes, théâtre, amphithéâtre, temples, forum, égouts, aqueduc, etc.. Nous nous contenterons d’envisager la colonie dans son ensemble et d’en reproduire les traits principaux.

On sait que, dans l’organisation des provinces conquises, les Romains poursuivaient un double but : créer un pouvoir fort qui les rassurât contre les tentatives des vaincus et établir une administration aussi simple, aussi facile que possible. Ce système reçut des applications diverses dans chacune des provinces, suivant la nature des lieux, le caractère des habitans, leur état de civilisation et les circonstances de la conquête ; il comportait une espèce d’ordre, une série de degrés par lesquels les peuples soumis avaient à passer.

Aux peuples conquis par la force, dont les terres confisquées avaient été adjugées à l’ager publicus, font remarquer avec raison les commentateurs modernes de l’histoire de Languedoc par les bénédictins, on imposait la colonie romaine, établissement semi-civil, semi-militaire, fondé en principe sur l’expropriation des anciens habitans, sur l’implantation d’une petite Rome au milieu des peuples vaincus. Au-dessous venait la cité latine, dans laquelle pouvaient entrer les peuples qui avaient accepté de meilleure grâce le joug romain et qu’on assimilait alors aux alliés les plus favorisés, aux Latins. Au-dessous encore étaient ceux qui payaient un tribut annuel appelé stipendium, dont la fixation était laissée à l’arbitraire du gouvernement de la province ; on les désignait alors sous le nom de stipendiarii, et leur état provisoire était considéré comme une transition entre la colonisation régulière et les premiers momens de la conquête.

Tel fut le système employé constamment pendant la république et les beaux temps de l’empire ; il réunissait tous les avantages, et le gouverneur de la province, se déchargeant sur les magistrats particuliers des villes des détails de l’administration, pouvait d’autant mieux veiller aux intérêts généraux.