Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/583

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mesure aux frénésies révolutionnaires ; nous avions pensé que tant de monumens brûlés, tant de sang versé lui auraient valu l’indulgence de ceux auxquels elle a ouvert la route des revendications, nous nous étions trompés, le temps a marché depuis lors, et les idées ont obéi à l’inévitable loi du progrès. Il paraît que la commune a été faible et qu’elle a manqué d’énergie. Voici comment elle est jugée dans un des écrits sortis récemment (avril 1879) des presses clandestines du nihilisme : « La commune de Paris de 1871 valait un peu mieux que les républicains les plus avancés, parce que ses incendiaires ont pressenti l’aurore de l’avenir ; mais la commune ne nous suffit pas, parce qu’elle ne savait pas être logique. Elle a indiqué le programme de la révolution sociale, mais elle manquait de courage pour l’exécuter. Les chefs de la révolution russe promettent d’agir autrement, car les demi-mesures de la commune ne mènent à rien. Par un sentimentalisme exagéré et par manque d’énergie, la commune n’a massacré que quelques otages. Notre but, à nous, c’est l’anéantissement de l’aristocratie et de la bourgeoisie, leur ensevelissement sous les ruines de l’ancien monde. » On est sévère pour la commune, sur les bords de la Neva ; heureusement que les programmes de la commune révolutionnaire, de la taverne du duc d’York et de l’Avant-garde, tous formulés par des contumax français, la réhabiliteront aux yeux de ses frères du nihilisme.

Ce n’est pas seulement l’Allemagne victorieuse, la Russie conquérante, maîtresse des Turcs, aux portes de Constantinople, presque à Sainte-Sophie, qui vivent sous la menace perpétuelle de l’assassinat systématique et de la désorganisation quand même ; c’est l’Italie dont on essaie d’assassiner le roi ; c’est l’Espagne, qui a aussi son régicide. En présence de ces crimes, les communards chantent hosannah, et disent : Les temps sont proches ! Ils applaudissent et croient que leur jour va venir ; car il y a deux moyens de faire son chemin dans le monde, aider la société de tout son effort, ou la combattre de toutes ses forces. Ce dernier moyen, depuis quelques années, paraît être le plus rapide ; il mène parfois à Nouméa, parfois au plateau de Satory, mais souvent au pouvoir. Cela est fréquent dans notre pays, qui oublie tout et n’apprend rien. — Si ces hommes-là sont des fous, comme le disent quelques aliénistes, ce sont des fous dangereux auxquels la camisole de force est indispensable.

Des fous, il y en eut comme ailleurs, mais pas plus qu’ailleurs, dans le troupeau de la commune ; il y eut aussi des égarés, des ahuris, des pauvres d’esprit qui se jetèrent dans l’aventure sans même se douter où elle pouvait les conduire ; il y eut des hommes à bout de voie, dénués, pauvres, que l’on eut l’inconcevable