le ministère public soutenait que le mot religieuse était commenté par l’article de la charte qui reconnaissait le catholicisme comme religion d’état : il s’ensuivait que la morale religieuse signifiait la morale catholique et impliquait le dogme de la divinité de Jésus-Christ. Cependant, dans la discussion de la loi sur la presse, cette interprétation dangereuse avait été prévue : M. de Serre avait énergiquement combattu l’expression de morale religieuse, et elle n’avait été votée que parce qu’on l’avait présentée comme inoffensive, et ne comportant pas les conséquences extrêmes qu’on voulait maintenant en tirer.
C’était en outre une extension singulièrement tyrannique et arbitraire de la loi, de soutenir qu’une suppression équivaut à la négation expresse. Un fait négatif peut-il être interprété dans un sens odieux sans tyrannie, lorsque d’autres interprétations sont possibles ? Ne peut-on chercher dans l’Évangile la morale ou l’histoire sans être suspect de vouloir détruire le dogme ? N’y a-t-il pas des exemples d’accommodation analogue, suivant les différens buts qu’on se propose, des livres de l’Écriture sainte ? La Bible de Royaumont, par exemple, n’est-elle pas une réduction de l’Ancien-Testament ? En supprimant certains passages comme trop crus pour l’enfance, devait-elle être soupçonnée de rejeter elle-même comme immorale la partie de la Bible qu’elle supprimait ? Faut-il tout admettre dans les Évangiles ? N’y a-t-il pas des erreurs, puisqu’il y a des contradictions ? Les tribunaux vont-ils se changer en chaires d’exégèse et se mettre à délibérer sur l’inspiration totale et sur l’inspiration partielle ?
En faisant valoir ces raisons, le Globe déclarait que c’était au nom de la justice stricte qu’il parlait, et au point de vue purement théorique ; car, dans l’espèce, il ne dissimulait pas que c’était bien du déisme qu’il s’agissait, c’est-à-dire de la cause de la pensée et de la science libres, que cette cause était la sienne propre, celle du Globe et de ses amis ; et il la défendait avec une éloquence qui n’a rien perdu de sa verdeur et de son entraînante énergie : « N’est-ce pas une étrange prétention que d’attribuer l’Évangile en propriété à une église ou à plusieurs églises qui déclareront que rien ne sera publié que dans la forme et l’étendue par elle fixées ? Quoi ! l’Évangile, la loi de vérité pour toute l’espèce humaine, adjugé ainsi en fief ! .. Au XIXe siècle, la morale chrétienne doit parler à tous les hommes ; la vie du Christ doit être présentée en exemple comme celle d’un martyr de la liberté et des saintes lois du devoir… Qu’on laisse passer en paix l’histoire humaine de sa vie : elle vaut mieux que les missions. »
La charte avait été une transaction entre l’esprit de l’ancien