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système fut complété par la création de commissaires enquêteurs, qui rappelaient les missi de Charlemagne. Grâce à la nomination au choix, l’élément féodal se trouva balancé et contenu ; la magistrature de l’état s’ouvrit à la roture, qui jusqu’alors n’avait occupé de charges judiciaires que dans les communes ou les sièges subalternes des seigneuries, et le parlement put se recruter en partie parmi les hommes qui se recommandaient par leur savoir.

On a dit longtemps, et quelques livres contemporains le disent encore, qu’antérieurement au règne de Philippe le Bel le parlement était ambulatoire, qu’il suivait les rois dans leurs voyages, qu’il tenait ses assises tantôt dans une ville, tantôt dans une autre, et que Philippe l’a pour la première fois rendu sédentaire à Paris. C’est une erreur[1]. Il l’était depuis longtemps déjà. Seulement il siégeait à des époques indéterminées, et, par suite du nombre toujours croissant des causes, la plus grande confusion régnait dans le service. Pour remédier à ces inconvéniens, Philippe décida qu’il tiendrait chaque année deux sessions de deux mois chacune, l’une à Noël, l’autre à la Pentecôte, et il le divisa en chambre des enquêtes, chambre des requêtes et grand’chambre. Les enquêtes instruisaient les procès d’appel, les requêtes jugeaient en première instance, la grand’chambre jugeait en dernier ressort d’après l’instruction faite par les enquêtes ; elle connaissait aussi des affaires intéressant directement le roi, le domaine, l’université, etc. Cette organisation était très bonne, mais il y manquait un pouvoir actif et vigilant chargé de rechercher les délinquans et de les poursuivre en se portant partie civile pour la couronne ou la société. Le génie despotique de Philippe le Bel ne pouvait s’y tromper. Il voulut avoir des gens à lui, les gens du roi, et en 1312 il créa les avocats et les procureurs généraux. Il avait fallu près de trois siècles pour mettre quelque ordre à la confusion des pouvoirs judiciaires, et placer au-dessus des tribunaux ecclésiastiques, féodaux et municipaux, une magistrature qui centralisait par l’appel, dans un siège unique, toutes les causes du royaume. Cependant deux sessions de deux mois chacune dans le cours d’une année ne pouvaient suffire. L’ordonnance du 18 octobre 1358 décréta que le parlement siégerait toute l’année sans discontinuation. Mais, comme le royaume s’agrandissait toujours par des annexions nouvelles, les plaideurs ne pouvaient recourir à l’appel qu’au prix de déplacemens et de frais considérables. Les rois, pour compléter leur œuvre, instituèrent des parlemens provinciaux,

  1. Elle a été réfutée d’après les actes mêmes du parlement. Voir Recueil des ordonnances, t. XXI, préface, IV. — Klimrath, Mémoire sur les olim et le parlement, œuvres, t. II, p. 55 et suiv. Boutaric, la France sous Philippe le Bel, liv. VIII.