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l’admiration du monde savant ; le procédé qu’il avait employé pour l’étude du basalte fut considéré comme ayant complètement éclairé la notion de la constitution de cette roche et pouvant être généralisé. On pensa que bientôt on allait reconnaître la composition minéralogique de toutes les substances minérales compactes. Cordier seul ne se fit pas illusion. Il avait vu dans les roches réduites en petits fragmens granuleux tout ce qu’on peut y apercevoir avec un faible grossissement (15 à 20 diamètres) ; il avait reconnu la cristallinité des laves et parfaitement distingué parmi les matières de provenance volcanique, d’une part celles dans lesquelles prédominent les élémens cristallins, et d’autre part celles qui sont essentiellement vitreuses. Mais les minéraux véritablement microscopiques et les particularités de la structure profonde des roches lui avaient échappé ; l’imperfection des moyens d’observation avait paralysé ses efforts. Du côté des essais chimiques, dont mieux que personne il appréciait la nécessité, il n’avait pas été plus heureux. Pour isoler les minéraux destinés à l’analyse, il se servait d’un procédé analogue à celui qui dans l’industrie est employé en grand pour le lavage des minerais pauvres. Une roche étant convenablement pulvérisée, il soumettait la poudre à l’action d’un filet d’eau sur un plan incliné et séparait ainsi les uns des autres les élémens d’inégale densité. Le résultat obtenu était incomplet et exigeait, de la part de l’opérateur, une grande habileté manuelle. Cordier connaissait très bien les défectuosités de sa méthode ; aussi a-t-il peu encouragé ceux qui, à diverses reprises, ont essayé de la mettre en pratique. Lui-même, bien que se livrant à un travail incessant, n’a plus rien produit durant le cours de sa longue carrière. Malgré le succès de ses leçons, malgré l’accueil favorable qui attendait toute œuvre émanée de lui, il évita de rien écrire sur les roches-après la publication de son célèbre mémoire de 1815. La classification dont il avait posé les principes au début de son professorat, et à laquelle il a travaillé toute sa vie sans relâche, n’a été livrée à l’impression qu’après sa mort. Bien qu’elle lui eût servi à ranger la belle collection des roches du Muséum, il n’en conseillait l’emploi qu’avec réserve, espérant toujours que des expériences et des observations nouvelles en feraient disparaître les défauts.

De 1815 à 1858, une foule d’hommes éminens, passionnés pour les études pétrologiques, se sont, à l’exemple de Cordier, vainement débattus contre l’insuffisance des moyens de recherche dont ils disposaient. Un découragement profond avait fini par saisir tous ceux qui s’occupaient de l’étude des roches. Faute de moyens de détermination sérieux, plus d’une collection, péniblement recueillie et riche en échantillons de provenances lointaines, a été alors dispersée ou reléguée dans quelque coin obscur.