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simplement Philippe. Tour à tour employé, agent d’affaires, marchand de vin, il avait fait tous les métiers ; on a même prétendu qu’il avait tenu une de ces maisons que la police numérote et ne nomme pas ; c’est une calomnie « réactionnaire ; » il n’avait pas tenu la maison, il la commanditait. Il fut à Bercy ce que Sérizier fut au XIIIe arrondissement : une hyène lâchée dans un troupeau. A la dernière heure, il fut horrible ; il commandait aux femmes de faire bouillir de l’huile « pour arroser les Versaillais. » Il incendia la mairie et l’église ; comme on se pressait vers lui en le suppliant de donner au moins le temps de faire évacuer les maisons, il répondit : « Il faut que tout le monde brûle ! » Lorsque tout fut en feu (25 mai, cinq heures du soir), il monta dans un fiacre à l’impériale duquel il avait accroché un drapeau rouge, et il se rendit dans le XIe arrondissement, où les débris de l’armée fédérée se réunissaient pour combattre la France et pour massacrer les otages.

Fenouillas n’aimait pas les congrégations religieuses, et il y en a beaucoup dans le XIIe arrondissement ; il résolut de leur livrer bataille. Dans ces expéditions, qui ne furent pas sans profit, il eut pour auxiliaires Clavier, commissaire des quartiers de Picpus et de Bel-Air, Girault, un polisson de dix-neuf ans qui faisait fonction d’inspecteur de police, Pontillon, employé à la mairie, et le brave capitaine Lenôtre. Dans les grands jours, Raoul Rigault, délégué à la sûreté générale, et Protot, délégué à la justice, daignaient venir dans ces quartiers lointains et s’assurer par eux-mêmes de la réalité, de la gravité des crimes inventés. L’objectif était le couvent des sacrés cœurs de Jésus et de Marie, composé de deux maisons voisines, mais distinctes, l’une occupée par des religieux surnommés les picpuciens, l’autre habitée par une assez nombreuse communauté de femmes connues, à cause de leur costume, sous le nom de dames blanches. Clavier, ayant près de lui Girault, marchant sous les ordres de Fenouillas, accompagné de Pontillon et de Lenôtre, à la tête d’un peloton de fédérés, se dirigea sur le couvent le 12 avril et l’envahit. On prit tout ce que l’on put prendre. Les religieux furent envoyés à la Conciergerie, les dames blanches furent gardées à vue. Fenouillas, Clavier et ses acolytes, mis en appétit par cette victoire, se firent servir à dîner, réquisitionnèrent du vin dans les cabarets des environs, adressèrent quelques invitations à des dames habitant les maisons situées près de la barrière du Trône, et trouvèrent que la vie a de bons momens. Ce n’était que de l’arbitraire, ce n’était que de la débauche ; c’était l’œuvre journalière de la commune, et il n’y aurait pas à en parler, si dans le couvent des dames blanches on n’avait fait quelques découvertes intéressantes.

Dans un grenier situé au-dessus de la chapelle, au milieu de