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police par le 239e. Il était tout question de la part du 101e de s’emparer du fort, après s’être assuré à main armée du commandant de place, menaces de mort, faire sauter le fort, etc. Je profite de la circonstance pour voue rappeler que le 184e bataillon s’est déjà mis en état de rébellion à la redoute des Hautes-Bruyères et qu’il est urgent de le remplacer également. Il y a donc urgence à faire relever le 101e et le 184e bataillon. — P. S. Je vous prie de donner des ordres pour que tous les bataillons au fort de Bicêtre soient relevés au plus tôt. C’est le seul moyen de rétablir la discipline et la propreté. » Le lecteur reconnaîtra sans peine que le 101e n’avait pas absolument tort ; il est désagréable de faire le coup de fusil, de se jeter à plat ventre pour éviter les obus et de coucher dans des casemates ; il est plus facile d’assassiner un vieux pharmacien dont on vide la cave ; il est plus divertissant de chasser aux pères de Saint-Dominique. C’est en cela surtout que consista l’héroïsme du 101e et c’est cela qui le fait immortel pour les admirateurs de la commune.

On invoque tout prétexte pour quitter les avant-postes et abandonner les forts. Les motifs ont parfois une naïveté qui n’est pas à dédaigner ; de Montrouge on écrit le 20 mai à la délégation de la guerre : « Les gardes du 260e bataillon demande à êttre relevé seulement 48 heures pour netoyer la vermine qui les ronge et repartir apprès. Par ce moyen je pourrai repartir avec le triple d’hommes. Le commandant P. » De tous les forts, de tous les ouvrages avancés, de tous les postes exposés au feu de l’armée française, s’élève le même cri : « Nous demandons à être remplacés. » Le métier leur paraît trop dur, le service est trop pénible ; on a beau doubler, tripler les rations de vin et d’eau-de-vie, c’est triste de boire derrière les sacs à terre, et cela ne vaut pas le cabaret. En outre, le sou de poche manquait souvent, car, malgré les efforts de Jourde, la solde était irrégulièrement payée, surtout aux bataillons qui n’étaient pas dans Paris même. Dans plus d’un fort, on était mécontent et prêt à la révolte ; bien des hommes auraient volontiers jeté leur fusil et auraient décampé s’ils avaient su où ramasser du pain, si Versailles leur en eût offert. Ce fut une grande faute de ne pas ouvrir une caisse où l’on eût payé la désertion fédérée à bureau ouvert. La moitié de l’armée de la révolte, même aux derniers jours, aurait mis bas les armes. On acheta quelques généraux et quelques colonels, je le sais ; en outre de quelques écus, on en paya plusieurs avec des ordonnances de non-lieu ; mais c’était, le soldat, le simple garde national, qui ne trouvait à manger que sous l’uniforme, qu’il fallait attirer à soi, enlever à l’insurrection et rendre à la légalité. C’était facile, et l’histoire constatera avec surprise qu’on ne l’a même pas tenté.