colonel de mobiles, à l’état-major du 2e corps d’armée. Il courut à la direction des télégraphes pour s’en emparer. La cour était pleine de cadavres que l’on avait déposés là en attendant que l’on pût les enterrer. L’heure était terrible. Le palais de la Légion d’honneur, la Cour des comptes, le Conseil d’état, la rue de Lille, étaient en feu ; l’École d’état-major venait de sauter ; les artilleries tonnaient, la fusillade crépitait de tous côtés ; dans le clocher des églises, le tocsin retentissait comme si l’on eût sonné le glas de la ville près d’expirer. Les bureaux du télégraphe étaient abandonnés ; tout employé avait fui, sauf un petit bossu qui, au milieu des rumeurs de cette inexorable bataille, tapotait philosophiquement son appareil. Sur l’ordre du marquis de Quinsonnas, il se mit en rapport avec l’Hôtel de Ville, qui répondit à sa question par une autre question : « Qui connais-tu ici ? » — On ne savait que riposter ; on lui dicta cette dépêche : — « Position désespérée, les Versaillais arrivent. » Cette fois la réplique ne se fît pas attendre ; elle fut très nette, et, comme elle émanait de l’Hôtel de Ville, du siège même de la commune, elle fixe résolument la responsabilité des incendies : « Mettez le feu à la boîte et repliez-vous. »
Depuis longtemps ils se préparaient. Pendant la période d’investissement, sous prétexte de rechercher les moyens les plus sûrs de repousser l’Allemagne, on fabriquait non-seulement des bombes à mains, mais aussi des tubes incendiaires, tubes en zinc destinés à recevoir l’huile de pétrole, que l’on pouvait facilement enflammer à l’aide d’une mèche. Six mille de ces récipiens forent saisis d’un coup et livrés au ministère de la guerre, qui s’empressa de les détruire. Le Vengeur, journal de Félix Pyat, publia le 23 avril un article intitulé : l’Incendie et la révolution, qui, sous formes allégoriques, n’est autre chose qu’un appel aux torches. Les tubes incendiaires ne furent pas tous découverts et brisés avant l’armistice ; il en restait que l’on utilisa dans les derniers jours de la commune ; on en eut la preuve. Le 24 mai, nos troupes maîtresses du Ve arrondissement, avaient placé des sentinelles au coin des rues et lancé des patrouilles dans le quartier. Un homme d’allures suspectes fut aperçu dans la rue Garancière. Il rasait les murs et cherchait si manifestement à se dissimuler qu’il fut arrêté. Il était vêtu d’une cotte d’ouvrier et d’une blouse flottante ; ses mains ne portaient point de trace de poudre, mais tout son individu exhalait une forte odeur de pétrole. On lui fit enlever sa blouse pour le fouiller, et l’on fut fort surpris de voir qu’il avait la taille sanglée par une ceinture de cuir, armée de petits crochets à chacun desquels pendait un tube en zinc fermé, assez semblable à une boîte à lait, et rempli de pétrole. Dans sa poche on trouva plusieurs rouleaux de mèches incendiaires et des allumettes. Cet homme