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de la dernière heure. Il lutta énergiquement dans le IIIe arrondissement à la tête de huit cents hommes et d’une artillerie considérable. Malgré ses efforts, les troupes françaises gagnaient du terrain : « Le 24 à midi, la situation n’était plus tenable, a-t-il dit lui-même ; Delescluze m’envoya l’ordre écrit de faire sauter le carré Saint-Martin, et d’incendier le quartier. Je n’ai pas voulu m’associer à de pareilles monstruosités. » Exaspéré par la défaite, Delescluze a-t-il réellement donné des instructions pareilles ? Nous ne savons ; nulle pièce authentique, nul témoignage irrécusable ne nous permet de répondre, et nous ne pouvons avoir qu’une confiance assez restreinte dans l’assertion de certains accusés, qui ont sans doute essayé de sauver leur tête en proclamant leur désobéissance à des ordres qu’ils n’ont peut-être pas reçus. Maxime Lisbonne est-il de ce nombre ? Loin d’avouer l’incendie de la rue Vavin et l’explosion de la poudrière du Luxembourg que de nombreux témoins lui reprochèrent d’avoir provoqués, il a affirmé qu’il lui avait été enjoint par le comité de salut public de faire sauter le Panthéon, dont les caves étaient pleines de poudre, et d’incendier la bibliothèque Sainte-Geneviève, Reculant devant cette effroyable responsabilité, il se serait rendu près de Régère, membre de la commune, délégué au Ve arrondissement, et en aurait obtenu l’annulation de l’ordre. Nous ne savons si ce fait est exact ou si ce n’est là qu’une de ces fables dont les accusés ne sont point avares en présence de leurs juges[1].

Presque tous les ordres d’incendie ont été détruits, mais ceux qui subsistent permettent d’affirmer que les grands chefs de la commune ont eu soin de ne pas compromettre leur signature sur ce genre de documens ; faut-il penser d’après cela qu’ils avaient horreur de leur mauvaise action, dont ils comprenaient la monstruosité, comme eût dit Marigot, ou que, certains d’avance de leur défaite, ils ne voulaient abandonner derrière eux aucune preuve de leur crime ? Si les ordres sont signés, c’est par des inférieurs : « Incendiez le quartier de la Bourse, ne craignez pas ; » puis simplement le cachet du colonel commandant l’Hôtel de Ville qui était Pindy, et un contre-seing : le lieutenant colonel Parent. Ce dernier aurait bien dû ajouter son prénom : Hippolyte, il eût ainsi évité une confusion très regrettable, dont un membre démissionnaire de la commune, Ulysse Parent, faillit être victime. Dans plus d’un cas, l’ordre ne porte pas de signature ; un timbre, — celui du comité de salut public, — suffit. L’ordre d’incendier le ministère de la marine que Brunel montra au docteur Mahé était timbré et non signé. Il en est de même de l’ordre suivant dont l’original est sous mes

  1. Procès Marigot ; déb. contr., 19 octobre 1871. Procès Lisbonne ; déb. contr., sixième conseil de guerre, 4 juin 1872.