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retournaît patriotiquement contre la France. À ce mensonge on ajoute bientôt l’infamie que voici dans le Journal officiel du 27 avril : « Une personne digne de foi a vu, de ses yeux vu, les Prussiens livrer un canon Krupp et quatre mitrailleuses aux troupes de Versailles. Le fait odieux de se servir des armes de l’ennemi contre la France est authentique. » Ceux qui imprimaient cette malpropreté n’ignoraient probablement pas que la délégation de la guerre avait essayé d’entamer une négociation avec le général Fabrice pour en obtenir les chevaux qu’il avait réquisitionnés, et que la cessation des hostilités lui rendait inutiles. En toutes choses, la commune eut cette bonne foi ; mais il arrive un moment où elle outrepasse toute mesure et tombe dans le grotesque. On ne parlait à l’Hôtel de Ville, au comité central et ailleurs, que des moyens de destruction incomparables mis à la disposition de la commune par « la science révolutionnaire. » Ces bruits prirent de la consistance, tombèrent de la salle des séances dans les brasseries, des brasseries dans les cabarets, des cabarets dans la rue, où ils furent ramassés par les journaux du moment. Quelques-uns eurent l’air de s’émouvoir, invoquèrent l’humanité et découvrirent la convention de Genève. La réponse de la commune ne se fit pas attendre ; elle descendit de haut, elle descendit de Paschal Grousset, qui, en qualité de délégué aux relations extérieures, parla de façon à être entendu par la diplomatie universelle. Il dit leur fait aux journalistes et les renvoie à l’école : « Quelques journaux ont pu croire que l’adhésion de la commune à la convention de Genève avait pour résultat de proscrire l’usage des nouveaux engins de guerre dont dispose la révolution. Si les rédacteurs de ces journaux avaient pris la peine d’étudier la question… ils se seraient épargné une protestation injuste et inutile… Quant aux forces terribles que la science met au service de la révolution, la convention de Genève n’en réglemente pas l’usage. » D’où il résulte que l’emploi des balles explosibles est interdit à Versailles, — qui jamais ne s’en est servi, — mais que la commune reste dans la stricte observation du droit des gens en recourant aux « forces terribles de la science révolutionnaire. » Celle-ci fut maladroite, car elle fit sa première expérience sur un de ses dévoués serviteurs. Au laboratoire de l’École des mines, où Parisel avait installé ses cornues et ses matras, un citoyen, Alexandre Décot, fut cruellement brûlé, brûlé jusqu’à en demeurer aveugle, « par une explosion de matières chimiques au moment où il justifiait par l’expérience la découverte faite par lui d’un produit qui doit rendre d’importans services à la cause commune ; » il eût mieux valu dire : « à la cause communarde. » Nous croyons, sans pouvoir l’affirmer d’une manière positive, que ce produit