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heureux dans ses laborieuses, dans ses incohérentes délibérations, et il vient d’en donner la preuve dans cette triste affaire de l’indemnité de Florence, en votant péniblement un acte d’équité nationale, en accompagnant cette tardive réparation d’une dernière marque de mauvais vouloir.

Pendant près de quinze jours, on a discuté, on s’est perdu dans les minuties, dans les récriminations, on a joué avec les chiffres et avec tous les détails d’une liquidation douloureuse ; pendant près de quinze jours, on a marchandé à Florence cette allocation de 49 millions que le gouvernement avait proposée, qui n’est qu’un palliatif dans le désastre financier de la malheureuse et aimable cité toscane. Les sympathies pour Florence ont paru vraiment assez tièdes dans cette discussion du parlement italien, et il s’est trouvé des orateurs qui n’ont pas craint de se faire les organes d’un esprit de rancune ou d’égoïsme fort peu politique. M. Peruzzi, comme c’était naturel et comme c’était facile à prévoir, a tenu à se défendre, il a combattu pour sa ville avec une chaleureuse habileté, avec un mélange d’émotion contenue et d’esprit florentin ; il a montré surtout que, si on en était là, c’était un peu parce qu’en 1871, quand on avait discuté les conditions du transfert de la capitale à Rome, Florence avait mis sa délicatesse à ne pas profiter de la circonstance pour faire reconnaître ses titres à une indemnité. Il y a huit ans de cela ! Les 49 millions demandés aujourd’hui par le gouvernement ont fini sans doute par être votés ; ils n’ont pas été votés sans peine, et même en les votant on a trouvé le moyen de détruire l’effet moral de cette mesure réparatrice par une mesquinerie qui atteint Florence d’un autre côté dans ses intérêts. Il faut savoir que la commune de Florence, comme toutes les autres communes toscanes, avait une revendication à exercer sur l’état au sujet d’une vieille dette qui résultait des occupations autrichiennes d’autrefois et que le gouvernement du grand-duc s’était chargé de rembourser aux municipalités. Au moment où éclatait à Florence la révolution du 27 avril 1859 qui était le prélude de l’annexion de la Toscane au Piémont et de l’unité de l’Italie, le nouveau gouvernement avait trouvé dans le trésor public la somme préparée par le ministre des finances du grand-duc pour le remboursement de la dette municipale. Les chefs de la révolution n’avaient pas hésité néanmoins sous leur responsabilité à suspendre le remboursement, à disposer de cette ressource pour armer le pays, pour associer la Toscane à la guerre de l’indépendance. C’est ce qu’est venu déclarer le baron Ricasoli de son accent d’autorité, et l’intervention d’un homme qui depuis longtemps ne paraît plus que rarement à la tribune, qui plus que tout autre a contribué à créer l’Italie nouvelle, cette intervention a eu un caractère particulièrement émouvant. « Serait-il juste, s’est écrié le baron Ricasoli, parce que les titres de l’ancien