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mourut trop vite pour avoir le temps de dévoiler ou de déterminer son système philosophique, qui n’eût été, sans aucun doute, qu’un matérialisme abject et purement animal. On peut le conclure de ce fait que Robespierre, fort admiré comme guillotineur par plusieurs membres de la commune, était cependant honni et méprisé parce qu’il avait inventé l’Être suprême. Tous se seraient volontiers, à l’imitation d’Anacharsis Clootz, déclarés les ennemis personnels de Jésus-Christ, dont Jules Vallès avait publiquement déclaré qu’il trouvait la réputation surfaite. Aussi toute mesure de violence contre le clergé proposée dans les conciliabules de l’Hôtel de Ville fut adoptée avec enthousiasme.

La commune fonctionne à peine que déjà elle procède aux confiscations. Le 1er avril, avant qu’un seul coup de fusil ait été tiré entre les fédérés et les troupes françaises, elle se hâte d’affirmer ses intentions, et elle bâcle son décret : « Considérant que le premier des principes de la république française est la liberté ; — considérant que la liberté de conscience est la première des libertés ; — considérant que le budget des cultes est contraire à ce principe, puisqu’il impose les citoyens contre leur propre foi ; — considérant en fait que le clergé a été le complice des crimes de la monarchie contre la liberté, décrète : Art. 1. L’église est séparée de l’état. Art. 2. Le budget des cultes est supprimé. Art. 3. Les biens dits de mainmorte, appartenant aux congrégations religieuses, meubles et immeubles, sont déclarés propriétés nationales. Art. 4. Une enquête sera faite immédiatement sur ces biens, pour en constater la valeur et les mettre à la disposition de la nation. » Expliquer à ces gens que le budget des cultes est le résultat d’une convention intervenue entre le clergé et la France, que le clergé a abandonné ses biens à la condition que chacun de ses membres recevrait de l’état une allocation, ou pour mieux dire une indemnité annuelle et proportionnelle, qu’il y a eu, ainsi que disent les hommes d’affaires, contrat bilatéral et synallagmatique, c’eût été peine perdue, et nul n’y songea. La commune s’occupa sans délai de réunir les biens meubles des églises, c’est-à-dire que sous la direction du délégué à la sûreté générale, elle organisa un pillage régulier. Elle fouilla tout, jusqu’aux tombes : « 8 avril 1871. Remboursement à Jagut, serrurier, 3 francs pour ouverture de la pierre des tombeaux des archevêques en l’église Notre-Dame (partie du chœur) ; ouverture faite devant nous et sur nos ordres. Le commissaire de police : H. G. » Jamais spoliation ne fut plus misérable ; on fit la chasse aux saints ciboires, aux candélabres, aux chasubles, aux crucifix. Ces libres penseurs, qui se donnaient pour des persécuteurs de l’église, pour des Nérons, des Juliens, qui volontiers, dans leur médiocre vanité,