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quand on sut que les catholiques voteraient le tarif. Depuis de longues années ils faisaient une opposition systématique et amère, ils prenaient en main la défense des intérêts guelfes et particularistes, ils chicanaient le gouvernement sur tout, ils épiloguaient sur le budget, ils rejetaient d’une seule voix les codes, le septennat militaire et le reste ; quoi qu’on leur pût demander, ils se retranchaient dans un refus allier et répondaient : Rendez-nous nos curés, nos évêques, nos chapelains, et nous verrons ensuite, lis avaient toujours dit non ; pour la première fois, ils disaient oui. Que s’était-il passé ? Qu’attendaient-ils en retour de leurs concessions ? Avaient-ils obtenu de l’ennemi des conditions écrites ? A quel prix avait-on acheté leur résipiscence ? Les imaginations se donnaient carrière. On affirmait qu’avant peu les lois de mai seraient rapportées, que le docteur Falk, ministre des cultes, serait remercié de ses services, que les évêques seraient réinstallés dans leurs diocèses, qu’une paix en forme serait signée avec le Vatican. On se livrait aux conjectures les plus hasardées, qu’autorisait le silence de M. de Bismarck et de la presse officielle. Les uns se berçaient des plus douces espérances, les autres rongeaient leur cœur.

Jusqu’aujourd’hui les promesses qui ont pu être faites n’ont été suivies d’aucun effet. Les lois de mai subsistent toujours, M. Falk est encore ministre, et, en dépit des illusions qu’on s’était faites au Vatican, parmi les amnisties accordées à l’occasion de ces fameuses noces d’or qui ont fait pavoiser Berlin, on n’a va figurer aucun curé, aucun prélat, aucun chapelain. De tous, les présens qu’on aurait pu faire ce jour-là à l’auguste couple, c’eût été peut-être le plus agréable à l’impératrice Augusta. MI. de Bismarck ne s’en est pas avisé ; aux naïfs qui s’en étonnaient, la Gazette de l’Allemagne du Nord s’est contentée de répondre que les amnistiés étaient tenus de faire acte de repentir et que, par une ingénieuse délicatesse, on avait voulu épargner ce chagrin aux ecclésiastiques réfractaires. M. de Bismarck a déclaré l’autre jour au Reichstag qu’il ne répond de lui que tel qu’il est aujourd’hui. Que sera-t-il demain ? C’est son secret. Hérodote nous apprenti que certain tyran grec, Polycrate, croyons-nous, tyran de Samos, avait pour principe de rançonner non-seulement ses ennemis, mais ses amis, parce qu’il pensait leur être plus agréable en leur rendant une partie de ce qu’il leur avait pris qu’en ne leur prenant rien du tout. M. de Bismarck a pris beaucoup de choses aux catholiques. Que leur rendra-t-il ? On peut croire qu’il n’est pas de l’avis de Polycrate, et. que pour lui le dernier mot de l’art est de ne jamais rien rendre ; les Danois en savent quelque chose. Quant aux catholiques, le seul avantage sensible qu’ils aient obtenu jusqu’ici, c’est que le bureau du Reichstag a été renouvelé et qu’un vice-président libéral s’est vu remplacer par un vice-président ultramontain. Cela leur suffira-t-il ? Beaucoup donner pour recevoir très