Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/209

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

occasion pour émettre le vœu qu’au lieu d’être divisés entre plusieurs ministères, ces services, qui répondent tous à un objet inique, soient réunis. Au point de vue administratif ce serait une simplification ; et un progrès pour la direction à imprimer aux beaux-arts. Un grand service des bâtimens, ayant dans ses attributions la commande de tous les ouvrages de peinture et de sculpture décoratives, est la base nécessaire d’une administration des beaux-arts.

Entrant dans un autre ordre d’idées, nous ne pouvions que constater le magnifique développement des études historiques, et nous l’avons fait en nous appuyant sar des travaux des plus remarquables. Oui, l’antiquité, le moyen âge, la renaissance sont de mieux en mieux connus aujourd’hui. Les sujets d’investigation se multiplient. Bien plus, on voit à certains intervalles de temps des artistes différens explorer les mêmes monumens, les fouiller de nouveau, en pénétrer plus complètement les formes, nous les montrer enfin dans un jour plus vrai. Un labeur infatigable enrichit le domaine de l’archéologie, accroît celui de la théorie de l’art, et ajoute à nos jouissances esthétiques. Mais quel est le résultat pratique de tant de savoir ? Le passé se substitue au présent dans la pensée ; les faits, par leur nombre et par leur importance, accablent l’imagination, la liberté de concevoir est entravée par la fidélité des souvenirs. Il y a quelques années, l’architecture française nous semblait courir un danger sérieux. Cette époque marquera dans l’histoire de l’art par des constructions dans lesquelles des élémens hybrides se trouvent rapprochés, et où tous les styles ont été volontairement confondus. On voit en certains pays ce que les géologues nomment des dépôts de rivage : ce sont des débris de fossiles et d’espèces encore vivantes qui, maniés et remaniés par la vague, brisés, mêlés, mais encore reconnaissables, forment le sol actuel et témoignent d’un long passé. Telle était souvent notre architecture il y a trente ans, fruit d’une érudition encore indigeste, entravée d’ailleurs qu’elle était par des prescriptions administratives. Aujourd’hui, l’imagination s’affranchit de la mémoire et ne garde plus d’elle que le grand fonds de documens dont elle l’enrichit. En même temps, la liberté accordée aux constructions permet déjà de donner à nos demeures un caractère plus varié. On peut commencer à se rassurer.

La sculpture, par la nature bornée de son enseignement, échappe presque entièrement à l’archéologie : elle sait cependant s’y adonner quand il le faut. Mais soit qu’elle voie encore la nature d’après l’antique, qu’elle l’étudie à la suite des maîtres du XVe siècle, ou qu’elle s’y abandonne en obéissant aux instincts de notre race, elle est naturaliste. Il faut l’avertir du danger qu’il y aurait pour elle