Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/207

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Diogène Maillart et M. Adolphe Weber, ont échangé leurs portraits qui sont bien réussis. Mais le public en est peu curieux. Pour nous cette partie de l’exposition, dans son ensemble, ne nous satisfait qu’imparfaitement. Les dessins, faits la plupart du temps pour montrer l’habileté à dessiner, les calligraphies pittoresques, ne sont pas absolument du domaine de l’art. Pourquoi les peintres ne nous envoient-ils pas leurs esquisses, leurs cartons, ainsi que les études qui servent à leurs tableaux ? Il nous semble que le public s’y porterait avec empressement, car maintenant son éducation est faite, et nous en avons pour preuve le succès que vient d’obtenir l’exposition des dessins de maîtres qui a eu lieu à l’École des beaux-arts.

Nous voulons terminer en jetant un coup d’œil sur la gravure. C’est un art qui, comme la peinture, a une hiérarchie. On dit aussi que la grande gravure, la gravure en taille-douce, est délaissée, et cependant les talens ne lui font pas défaut. Si les estampes n’ont plus pour le public la même importance qu’il y a cinquante ans, leurs auteurs n’en sont pas moins honorés. La France, que le burin des maîtres du XVIIe et du XVIIIe siècle a tant illustrée, compte toujours une phalange d’éminens artistes parmi lesquels il y en a de jeunes et d’excellens comme M. Adolphe Huot. Malheureusement cette année, M. Bertinot est le seul qui ait exposé. Un art disparaît, la lithographie, ce qui est profondément regrettable, après une période si brillante et lorsqu’elle peut encore s’appuyer sur tant d’hommes de valeur. Mais la gravure sur bois continue à se perfectionner et nous avons de M. Pennemaker un véritable chef-d’œuvre. Cependant toute la faveur est à la gravure à l’eau-forte, genre charmant dans lequel l’artiste s’attaque à tous les sujets, en aborde directement l’exécution sur le cuivre et se montre le plus souvent créateur. Le Salon est riche en eaux-fortes d’un faire spirituel et libre, et cette partie de l’exposition nous semble d’année en année devenir plus remarquable. Les noms qui surgissent sont ceux de MM. Le Rat, Le Coûteux, Danse, Desboutin. Plusieurs peintres se mêlent aux aqua-fortistes, parmi lesquels on compte aussi des amateurs.

Le chef de l’école française de gravure est M. Henriquel-Dupont, qui dessine en maître et manie avec une égale supériorité l’eau-forte et le burin. Des traditions qui dans notre pays remontent à plus de deux siècles sont personnifiées en lui. Son œuvre est considérable et justement célèbre. Plus que personne le maître est soucieux de l’avenir et jaloux de l’honneur de son art. Nous devions un hommage à ce nom qu’on ne peut passer sous silence.