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auxquels les privilèges de la royauté devront être limités ? Lorsqu’un individu tombe malade, la famille doit recourir à l’empirique qui tient office de médecin dans la tribu ; le malade meurt-il sans que le médecin ait été appelé, la famille est passible d’une amende. Si l’analogue de cette coutume existe chez quelque autre peuple, notre mémoire ne nous le rappelle pas ; avouez en tout cas qu’elle ne manque ni de justice ni d’humanité. Les Cafres sont à cet égard en avant de nous ; nous en sommes encore à savoir si nous pratiquerons l’instruction obligatoire, eux ils pratiquent déjà la médecine obligatoire. Lorsqu’un chef meurt, son décès est notifié à tous les chefs des tribus environnantes, qui se rasent la tête et s’abstiennent de lait pendant un certain temps ; c’est le deuil de nos souverains lorsque meurt un de leurs frères couronnés. Le chef est enterré avec ses armes, ses bijoux et ses insignes ; ainsi étaient enterrés les chefs germaniques, ainsi revient de la tombe le père de Hamlet, spectre en armure, le bâton du commandement à la main. Sur sa sépulture veillent pendant une période déterminée dés gardiens choisis parmi ses proches et ses amis, gardiens qui, par suite de cette fonction, deviennent des personnages sacrés, et paissent des bestiaux garantis par cette faveur contre le couteau, immunité qui passe à leur croît et ne cesse qu’avec l’extinction naturelle de leur race, coutume vraiment touchante et pieuse où respire la candeur religieuse des anciens âges et que nous admirerions depuis longtemps si nous en trouvions la rustique beauté exprimée en vers magnifiques parmi les rites observés par le dévot Énée. Cette sépulture enfin est xm lieu de refuge d’où aucun coupable ne peut être arraché, c’est le droit d’asile de notre moyen âge. Il n’y a donc, vous le voyez, presque aucune de ces coutumes qui n’appelle une comparaison avec celles de quelque autre peuple et qui ne justifie le mot d’Arlequin que l’on ne saurait assez méditer : Tutto il mondo è fatto come la nostra famiglia.

Cafres et Zoulous sont fort superstitieux ; le sont-ils beaucoup plus et d’une manière plus singulière que ne l’étaient, il y a seulement trente ans, la plupart de nos populations rurales ? Il y a chez eux deux ordres de fonctions quasi sacrées, celles de faiseur de pluie et de dénicheur de sorciers. Le faiseur de pluie est un personnage fort considérable, le plus considérable même de la tribu après le chef, ce qui se conçoit aisément dans un pays où il fait si chaud et où la plupart des terres Testent infertiles faute d’irrigation. Langalibalele, le chef zoulou révolté de 1873, avait été dans la première partie de sa vie faiseur de pluie du roi Panda, père de Cetywayo, et ce nom nous dit assez toute l’importance de ce ministère des élémens. Ces fonctions ne sont pas sans danger, car lorsque le faiseur de pluie est appelé, c’est toujours dans un temps de