vices qui sont attachés à l’humanité, elle a duré quatorze siècles. On a un long espace à parcourir pour y saisir des fautes, des jours mauvais, et les lui reprocher comme s’ils étaient la conséquence même de son principe. La république, cette république qui doit être éternelle, qui est, selon vous, la grande condition de l’avenir, nous ne l’avons connue qu’un jour. Elle s’est défendue, dites-vous ; mais le système de défense nous a fait horreur, mais les misères qui en sont résultées ont pesé pendant vingt années sur la nation française ! l Je ne veux pas abuser de ce que vous avez duré trop peu, n’abusez pas de ce que nous avons duré beaucoup… »
Rien ne ressemblait moins qu’un tel discours, du reste, à une récrimination contre le présent, à une vaine apologie d’un passé évanoui, et c’est ici surtout que Berryer retrouvait l’avantage d’un homme pénétré de l’esprit moderne, animé du souffle de son temps et de son pays. Cette monarchie, dont il se plaisait à raviver l’image en face d’une république qui restait une énigme menaçante, cette monarchie, il ne la confondait pas avec l’immobilité, le droit divin et les vieilleries de cour ; il la montrait vivant de la vie de la France et se transformant avec elle, travaillant de siècle en siècle à cette œuvre éclatante de la civilisation française, de la grandeur nationale. Il la défendait d’une prétendue incompatibilité avec l’ordre nouveau, avec les institutions représentatives, « avec les grandes libertés politiques que 1789 a créées, que nous réclamons, que nous vengerons, que nous maintiendrons et que nous appellerons au secours de l’avenir. » C’était son langage, et touchant habilement un point plus délicat, devançant l’issue d’une négociation dont il désirait le succès, il ne séparait plus le représentant de la royauté traditionnelle et « ces princes qui, à une époque où je me trouvais dans l’opposition, disait-il, ont si noblement soutenu par l’épée la dignité française, l’honneur français, l’autorité du nom français. » Ainsi il parlait, mêlant dans son éloquence la raison politique, l’imagination, l’ironie, les évocations de l’histoire, les effusions personnelles, les appels passionnés et émouvans.
Il combattait pour l’honneur plus que pour le succès, je le crois bien. Il combattait pour la monarchie par fidélité, sans décourageraient comme sans illusion. A défaut d’une victoire monarchique sur laquelle il ne pouvait compter, il combattait encore pour la nécessité d’une révision par esprit de prévoyance, parce qu’il croyait ainsi échapper à la fatalité de 1852, aux entreprises a de la sédition et de l’ambition, » à la possibilité d’une « perpétuation inconstitutionnelle des pouvoirs du président. » A défaut de la révision enfin, si on ne la votait pas, il adjurait l’assemblée de ne pas se diviser, de s’attacher à la loi telle quelle existait, parce que c’était la loi, de rester unie devant le péril. Déjà quelques mois auparavant, dans le premier