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n’est point, qui ne sera pas membre de la commune et qui n’en est peut-être que plus irrité contre l’assemblée nationale, ouvre l’attaque contre les journaux. Dans l’Action, il dit : « Nous demandons la suspension sans phrase de tous les journaux hostiles à la commune. Paris est en état de siège réel. Les Prussiens de Paris ne doivent pas avoir de centre de ralliement, et ceux de Versailles des informations sur nos mouvemens militaires. » Cette mise en demeure d’entrer de plain-pied dans l’iniquité ne passera pas inaperçue. Un gouvernement sérieux et respecté tient compte de l’opinion de la presse ; un gouvernement faible et déconsidéré obéit à ses injonctions ; nous l’avons déjà vu, et nous le verrons encore. La commune se fit un devoir de suivre le conseil que Lissagaray venait de lui donner. Les exécuteurs de ses hautes œuvres ne manquèrent pas à l’Hôtel de Ville. Les Débats, le Constitutionnel, Paris-Journal, sont supprimés, le 4 avril, en vertu de mandats signés par les membres du comité de sûreté générale : TH. FERRE, RAOUL RIGAULT, L. CHALAIN. Le coup se fit pendant la nuit, de guet-apens. À trois heures du matin, la vieille maison de la rue des Prêtres-Saint-Germain-l’Auxerrois, où le Journal des Débats a pris naissance aux premières lueurs de la révolution française, fut envahie par un commissaire de police escorté d’un nombre suffisant de fédérés. Le journal était tiré, la machine éteinte laissait reposer les presses. La rédaction et l’administration étaient représentées par un prote qui, en présence de la violence, reconnut que

La raison du plus fort est toujours la meilleure.

Ne pouvant faire autrement, il se résigna à voir saisir les exemplaires et obtint, non sans quelque peine, que les casses et les presses ne seraient pas brisées. Lorsque les plieuses arrivèrent, on leur interdit l’entrée de la maison, où, tout le jour, un piquet de fédérés se tint en permanence. Les conservateurs furent très irrités ; quelques-uns d’entre eux cependant étaient d’âge à se souvenir qu’à la journée du 13 juin 1849, au moment où Ledru-Rollin passait difficilement à travers un vasistas, des gardes nationaux de l’ordre, comme l’on disait alors, s’en allèrent renverser les casses du journal le Peuple qui leur déplaisait, — ce qui tendrait à prouver que les partis les plus opposés tombent invariablement dans les mêmes sottises lorsqu’ils n’écoutent que les conseils de leur passion et qu’ils s’imaginent naïvement que l’absence de contradiction leur permettra d’avoir raison. Erreur profonde dont l’expérience si souvent renouvelée en notre pays n’a jamais fait revenir personne !

La suppression de Paris-Journal, des Débats, du Constitutionnel