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de quinze années à Florence, et ce n’était pas alors invraisemblable, on ferait face à tout. Quand les événemens de 1870 sont venus précipiter l’arrivée des Italiens à Rome ; Florence, surprise tout à coup en pleine transformation, est restée avec ses dépenses, ses charges et ses dettes immenses. Le syndic, M. Peruzzi, a tenu tête aux difficultés tant qu’il l’a pu, avec autant d’intelligence que de courage ; il ne pouvait lutter indéfiniment contre l’impossible, et l’irréparable débâcle est arrivée, elle est allée jusqu’à la faillite déclarée de Florence. Le gouvernement a été oblige de nommer un commissaire royal pour administrer la ville, Plus d’une fois pendant ces années d’épreuves cruelles on a reconnu la justice, l’urgence d’une indemnité en faveur de la malheureuse cité. On a nommé des commissions parlementaires et administratives ; il y a eu des projets de toute sorte, et c’est précisément un de ces projets qui est enfin discuté en ce moment, qui est soutenu par les hommes les plus éminens, M. Minghetti, M. Cairoli, qui est toutefois contesté par d’autres avec âpreté, M. Peruzzi, qui a personnellement connu tour à tour la popularité et l’impopularité pour une œuvre que des circonstances exceptionnelles ont pu seules conduire à une catastrophe financière, M. Peruzzi n’a pas encore pris la parole, et il est bien certain que, s’il parle, Florence sera défendue avec éloquence contre ses adversaires ; mais n’est-il pas profondément triste que dans un parlement siégeant à Rome on puisse disputer une réparation bien insuffisante encore à une ville qui a payé de sa fortune l’honneur d’avoir été un moment la capitale d’un royaume qu’elle a tant contribué à créer !

CH. DE MAZADE.




ESSAIS ET NOTICES.

La Guerre et la Paix, roman historique par le comte Léon Tolstoï, traduit par une Russe. Paris, 1879. Hachette.

J’ai grand plaisir à signaler ici un livre qui comble une lacune regrettable dans notre littérature étrangère. Le grand roman historique de Tolstoï, l’un des chefs-d’œuvre les plus incontestés de la langue russe, n’avait pas encore trouvé de traducteur dans notre pays. Une personne bien connue dans la haute société russe par la rare distinction de son esprit a entrepris et mené à bien la tâche considérable de traduire en français cette épopée nationale. La Guerre et la Paix embrasse tous les événemens des guerres napoléoniennes auxquels la Russie a été mêlée ; dans le drame incomparable qui eut durant quinze