sée d’arborer les couleurs ottomanes, il n’a pas longtemps persisté dans son intention. On lui a persuadé que ce serait un défi jeté au sentiment national, qu’il y aurait péril pour la paix publique : il l’a cru ou il ne l’a pas cru, il s’est dans tous les cas abstenu d’arborer le drapeau représentant l’autorité souveraine du sultan. Au premier abord, c’est une série de faits assez puérils ; en réalité, c’est la dénégation de la suzeraineté turque, c’est, avec le consentement plus ou moins volontaire du gouverneur général lui-même, le commencement de l’unification de la Roumélie et de la Bulgarie au détriment de la souveraineté ottomane. Cette unification, du reste, elle a été préparée par les Russes, qui pendant leur séjour ont rempli de leurs officiers la milice locale, la gendarmerie indigène. Avant son départ, le chef de l’occupation russe, le général Stolypine, paraît avoir tenu un langage singulièrement significatif sur l’avenir promis aux Bulgares. L’empereur Alexandre, il est vrai, a publié les manifestes les plus corrects, les plus rassurans en donnant à son armée le signal du retour ; la réalité ne reste pas moins ce qu’elle est dans ces régions, et les premiers actes d’Aleko-Pacha ne semblent pas de nature à décourager le travail qui tend à détacher la Roumélie comme la Bulgarie de l’empire ottoman. Le nouveau gouverneur général a vraisemblablement voulu se créer une certaine popularité, il a cru prévenir les conflits ; il n’a fait peut-être que les ajourner et les compliquer. Il s’est placé du premier coup dans une position d’autant plus difficile qu’en flattant les Bulgares il a froissé d’autres parties de la population.
Quelle sera maintenant la suite de cette singulière inauguration du nouveau régime établi dans la Roumélie ? Bien des complications sont certes possibles. Ce qui est certain tout d’abord, c’est que les procédés d’Aleko-Pacha ont assez vivement ému la Porte, qui proteste contre son lieutenant, qui refusé de souscrire à une dépossession nouvelle, poursuivie indirectement en dehors des prévisions de la diplomatie. D’un autre côté, on ne voit pas bien quelle serait l’utilité de la présence d’une commission européenne à Philippopoli si cette commission ne devait être là que pour assister, indifférente ou impuissante, à l’abrogation tacite, progressive, du traité de Berlin. Cette commission, qu’on a voulu placer à Philippopoli et dont la diplomatie semble s’occuper aujourd’hui de définir les pouvoirs, elle ne peut avoir qu’un rôle utile et honorable, digne de l’Europe qu’elle représente, ce serait de rester une sorte d’arbitre maintenant l’autorité des conventions de Berlin au profit de la Porte aussi bien qu’au profit de la province autonome. Si elle n’est pas en mesure de remplir ce rôle, elle n’a plus rien à faire à Philippopoli. Ce n’est plus qu’une fiction déguisant à peine la réalité, qui est l’unification préparée par la politique russe, et alors la victoire que l’entreprenante imagination de lord Beaconsfield a cru remporter avec