Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/967

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 juin 1879.


Rien n’est certes plus dangereux en politique que de ne pas savoir exactement ce que l’on veut et où l’on va, parce qu’alors on peut aller partout, même dans les chemins les plus scabreux, sans le vouloir. C’est le régime des aventures et des expédiées. On croit se délivrer des incidens incommodes en évitant de les regarder en face, en les éludant ou en les ajournant, et on ne fait que leur laisser le temps de grandir, de prendre une importance qu’ils n’auraient pas eue. On se figure désarmer des passions remuantes en négociant avec elles, en les flattant par des paroles, par des actions ou par des tolérances, et on ne réussit qu’à les encourager à des exigences nouvelles. On pense se créer des conditions plus faciles en palliant les conflits par des demi-mesures ou par des compromis, et on n’arrive qu’à augmenter l’incohérence, à préparer des complications plus graves, plus inextricables, qui éclateront un jour ou l’autre. C’est un peu notre histoire d’aujourd’hui, qui n’est que la suite de notre histoire d’hier. Assurément pour des ministres engagés dans la mêlée, pour un gouvernement de bonne volonté il y a des embarras intimes, souvent inévitables, dont ne tiennent pas compte de simples spectateurs placés en dehors des affaires, et cela rappelle toujours le mot que le général Trochu adressait familièrement à ceux qui le censuraient après coup sur la direction du siège de Paris : « On voit bien que vous n’y étiez pas ! » Le gouvernement, lui aussi, pourrait quelquefois répondre de la même manière à ceux qui lui reprocheraient trop vivement de paraître ne pas savoir toujours où il va et ce qu’il veut. Soit ; qu’on veuille bien cependant s’interroger en toute sincérité et se demander si de toutes ces questions, de tous ces inci-