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faiblesse de l’Asie ; devançant Alexandre, elle envoya son roi Agésilas faire la guerre au maître de Pharnabaze et de Tissapherne, au souverain qui venait de triompher de Cyrus, au successeur de Darius II, au roi des Perses Artaxerxe Mnémon. Sparte avait pris le goût des richesses, et ses généraux n’étaient plus assez sûrs pour qu’on leur confiât le transport du butin. Gylippe, le grand Gylippe lui-même, le compagnon d’Hermocrate, le sauveur de Syracuse, fut, peu de temps après la bataille d’Ægos-Potamos, accusé d’avoir frauduleusement décousu les sacs remis à ses soins par Lysandre et d’en avoir soustrait un certain nombre de talens. Pour un pays qui avait fait de la pauvreté volontaire la base de l’état social, pareille conduite était d’un fâcheux exemple. La corruption se gagne comme la peste, et de tout temps l’une et l’autre ont eu leur siège en Asie. Agésilas cependant faisait de rapides conquêtes quand Artaxerxe prit le parti de confier le commandement de ses forces maritimes à Conon. Vainqueur des Lacédémoniens à Cnide, Conon courut les mers et fit soulever les îles. Artaxerxe, de son côté, envoyait de l’argent en Grèce. Menacée d’une coalition générale, Sparte se voit obligée de rappeler Agésilas.

Laissons les Grecs achever mutuellement leur ruine ; ne parlons ni de Pollis, l’amiral de Sparte, ni de Chabrias, le navarque d’Athènes. Pollis avait cependant « un éperon armé de fortes dents de fer » et tuait les stratèges ennemis « de sa propre main. » Chabrias ne l’en battit pas moins et rentra en triomphe au Pirée. Ce fut le premier avantage remporté par des vaisseaux athéniens sur la flotte de Lacédémone depuis la guerre du Péloponèse. Et Timothée, et Nicolochus, et Mnasippe, faut-il n’en rien dire ? Timothée, c’était un autre Fabius. Il avait vaincu Nicolochus, il allait probablement vaincre Mnasippe quand on le déposa, « impatienté de ses sages lenteurs. » Il eut pour successeur Iphicrate. Ah ! par exemple, Iphicrate, je ne puis le passer sous silence. Ce nouvel amiral se hâta de grossir sa flotte de tous les vaisseaux qu’il put trouver dans les divers ports de l’Attique. Il y joignit les deux galères sacrées et, avec soixante-dix vaisseaux, se dirigea vers Corcyre. Bien d’autres, depuis l’origine de la marine grecque, avaient fait le voyage du Pirée aux Sept-Iles, mais nul ne sut, comme Iphicrate, profiter de la traversée même pour se préparer au combat. « Il ne voulut point se servir de ses voiles, quoiqu’il eût le vent favorable ; » il n’employa que les rames et, sans se détourner de sa route, exerça ainsi ses matelots. C’est tout un traité de manœuvre que ce seul passage des Helléniques de Xénophon. Nous y apprenons d’abord que les trières avaient deux jeux de voiles, absolument comme les galères du XVIe siècle. Iphicrate laisse ses grandes voiles à terre et n’emporte que le petit jeu. Il fait voguer généralement par quartier, de façon que