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moins bien placées s’en fussent retirés, et qu’autrement employés ils eussent produit de nouveaux équivalens. L’invasion du marché français, pro parte qua, serait immédiate, et les équivalens seraient trouvés, puisqu’ils existeraient dans les caisses et dans les magasins des consommateurs de houille, qui s’approvisionneraient de houille anglaise au lieu de s’approvisionner de houille française. Les consommateurs français payeraient celle-ci dans la monnaie dont ils auraient payé celle-là ; le résultat définitif serait par conséquent que le travail et le capital déplacés auraient non-seulement à trouver un nouvel emploi, mais à trouver de nouveaux débouchés pour leurs nouveaux produits, et si je voulais appliquer ici cette logique inflexible dont abusent si souvent les économistes, il ne tiendrait qu’à moi de dire que le capital et le travail déplacés émigreraient sur-le-champ en Angleterre où leur nouvel emploi serait tout trouvé, puisque les producteurs de houille anglaise auraient besoin d’étendre leur exploitation pour faire face à l’extension du marché qu’ils auraient à desservir.

Mais sans pousser ainsi jusqu’à l’extrême la rigueur du raisonnement et la symétrie des suppositions, en laissant toute latitude au jeu des événemens, désintérêts, des conjectures, toujours est-il vrai que la réponse des économistes à cette question :

Que faire, en pareil cas, du capital et du travail employés dans les houillères peu fécondes ou mal situées ?

Que cette réponse, dis-je, n’en est pas une, qu’elle ne satisfait, ni pratiquement, ni logiquement, aux exigences du problème, et qu’elle provoque, pour peu qu’on y regarde de près, une réplique sans réplique.

3° On tient également pour maxime, en économie politique, que dans l’hypothèse de l’abolition totale ou partielle des droits protecteurs, le capital et le travail déplacés par la concurrence étrangère reflueraient dans chaque pays, vers les emplois à l’égard desquels chaque pays est privilégié, vers les exploitations, vers le entreprises à l’égard desquelles chaque pays possède des avantages exclusifs ou spéciaux, de telle sorte qu’étant donnée la liberté complète du commerce et de l’industrie, d’état à état, chaque pays consacrerait la totalité de, son capital et de son travail à produire les choses qu’il fait seul, ou qu’il fait mieux et à meilleur compte que tout autre, échangeant le surplus de sa production contre le surplus de la production de ses voisins au grand avantage des uns et des autres.

Que cela puisse arriver quelque jour, je ne dis pas non, mais que cela puisse arriver sans avoir été précédé par une révolution générale dans la distribution du travail et du capital, entre les pays tels qu’ils se comportent actuellement ; que cela puisse arriver par le