Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/863

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’agriculture anglaise fût protégée contre toute concurrence, dans les proportions des charges spéciales dont elle est grevée ; la taxe des pauvres, par exemple, la land-tax, la dîme, le county rate ; et cinq ans après, en 1826, M. Macculloch réclamait en sa faveur précisément la même exception[1].

Quant à l’emploi du régime des représailles envers l’étranger, comme il rentre plutôt, de l’aveu d’Adam Smith lui-même[2], dans le domaine de la politique générale que dans celui de l’économie politique, les économistes les plus rigides ne l’ont jamais contesté ; ils se sont toujours bornés à recommander de prendre, en pareille matière, pour règle et pour mesure, les chances raisonnables de succès. « S’il est quelquefois à propos, en diplomatie, était-il dit dans la pétition des négocians de Londres, présentée par M. Baring, mais rédigée par E. Ch. Tooke, de faire dépendre l’abolition ou la diminution de droits élevés, de concessions correspondantes faites en notre faveur par d’autres états, il ne s’ensuit pas que nous devions maintenir nos restrictions dans le cas où les concessions que nous désirons nous seraient refusées ; ces restrictions, en effet, ne cesseraient pas de nous être préjudiciables, parce que d’autres gouvernemens conserveraient des règlemens impolitiques[3]. »

Et quant à cette idée, qu’il serait imprudent, lorsque telle ou telle industrie s’est élevée sous l’abri d’une certaine protection, de la lui retirer brusquement, de la laisser écraser tout à coup, sans ménagemens et sans égards, non-seulement les économistes actuels ne font aucune difficulté de l’admettre, mais ils lui donnent une extension qu’Adam Smith, dans son rigorisme, aurait peut-être trouvée excessive. On tient en effet pour maxime, aujourd’hui, que toute industrie qui promet de soutenir, un jour, la libre concurrence avec l’étranger, doit être protégée, tant qu’elle est encore en état d’infériorité relative, sauf à réduire graduellement le taux de la protection, jusqu’au moment précis où elle cesse d’en avoir besoin[4].

C’est en prenant ce principe, ainsi entendu, pour règle de sa conduite, que M. Huskisson a constamment procédé à la réforme de la législation commerciale en Angleterre, plaçant, par exemple, l’industrie des soieries sous la protection d’un droit spécial de 30 pour 100[5] ; l’industrie linière sous la protection d’un droit réductible pendant huit ans, d’année en année, jusqu’au taux de

  1. Edimb. Review, t. XLTV, p. 353 et suivantes.
  2. Wealth of nations, édit. de Macculloch, t. II, p. 301.
  3. Parliam. Debates, new series, t. I, p. 183.
  4. Say, Traité d’écon. polit., liv. I, ch. XVII, LV, I.
  5. Acte du 12 avril 1824.