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faire aujourd’hui. Mais supposé que, en pleine paix, on proposât aujourd’hui d’établir la liberté du commerce entre la France et la Belgique, entre la France et la Hollande, entre la France et. la moitié de l’Allemagne ou de l’Italie, se figure-t-on quels cris de fureur et de détresse nous entendrions retentir de toutes parts !

Où serait la différence ?

A ne considérer les choses que sous un point de vue purement économique, on n’en aperçoit guère dont il sait possible de se rendre compte. Admettons, par exemple, que demain le gouvernement français et le gouvernement belge convinssent d’établir entre la France et la Belgique la liberté du commerce, qu’arriverait-il ? Exactement ce qu’il arriverait si les deux pays étaient incorporés l’un à l’autre. Certains établissemens belges, hors d’état de soutenir la concurrence des établissemens similaires français, seraient abandonnés et leurs ouvriers congédiés. Les établissemens similaires français et leurs ouvriers en profiteraient plus ou moins. De part et d’autre, le travail et le capital restés libres seraient contraints de chercher un nouvel emploi. En définitive, profits et pertes compensés, de part et d’autre, il interviendrait dans chaque pays une nouvelle distribution de travail et de capital, une distribution plus en harmonie avec les avantages particuliers que chaque pays tient de la nature.

Ce n’est donc qu’en considérant les choses sous un point de vue tout politique, c’est uniquement en tenant compte de l’indépendance réciproque où se maintiendraient les deux pays, et de la diversité, réelle ou supposée, actuelle ou possible, de leurs intérêts, de leur position, de leur destinée, que les effets d’une telle mesure pourraient, non sans raison, paraître tout autres et de tout autre conséquence.

Quoi qu’il en soit, personne, je le répète, ne conteste aujourd’hui cet axiome passé presque en force de lieu commun, à savoir que dans un même pays soumis aux mêmes lois, régi par le même gouvernement, la libre concurrence, en matière d’industrie et de commerce, est de plein droit, quelque opinion qu’on se forme d’ailleurs sur la convenance d’étendre ou de restreindre ce principe dans les relations d’état à état.

Ajoutons que même entre pays contigus, mais indépendans à certains égards, soumis à des lois différentes, régis par des gouvernemens différens, s’il arrive que ces pays, réunis par un lien fédératif, confondent leurs intérêts politiques et fassent corps vis-à-vis de l’étranger, la libre concurrence s’établit à peu près inévitablement dans l’intérieur de la confédération tout entière, Il n’a jamais existé de ligne de douanes entre les cantons helvétiques ; jamais entre les États-Unis de l’Amérique du Nord, qui couvrent la moitié de l’un